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Maghreb

La Porte de la mer, Youcef Zirem

Ecrit par Nadia Agsous , le Mardi, 07 Février 2017. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Porte de la mer, éd. Intervalles, juin 2016, 141 pages, 16 € . Ecrivain(s): Youcef Zirem

 

Les miracles de la résilience


A peine entame-t-on la lecture de La porte de la mer, le dernier roman de Youcef Zirem, qu’une onde de choc parcourt notre corps et soulève notre cœur. Le malaise ! L’horreur ! Une scène de violence extrême nous prend à la gorge et masque notre vue. Dans un lieu reculé, loin de la ville et de sa foule terrorisée par la violence qui s’est enracinée dans la vie quotidienne de tout-e un-e chacun-e, une jeune femme est violée par son père ! Quelques années plus tard, Amina, la protagoniste de cette histoire qui nous montre une société sous les feux de la violence, de la répression et de la terreur, raconte : « J’étais presque hypnotisée et ne lui opposai aucune résistance. Il me fit allonger sur l’herbe sèche et se retrouva sur moi. Au bout de quelques minutes, Il poussa un affreux cri de jouissance et je sentis couler le sang dégagé par mon hymen ».

Bribes d’une décennie à l’ombre, Mohamed El Khotbi

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 06 Février 2017. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Récits

Bribes d’une décennie à l’ombre, Kalimate Edition (Rabat, Maroc, 2012), 141 pages, 10 € (au Maroc 50 DH) . Ecrivain(s): Mohamed El Khotbi

 

Mohamed El Khotbi, enlevé en pleine nuit en 1972 par la police, a passé en prison dix des années de plomb qu’a connues le Maroc sous le règne de Hassan II. C’est cette expérience douloureuse qui constitue l’objet de cet ouvrage. Si l’époque et les circonstances évoquent immédiatement les œuvres d’Abdellatif Laâbi, la tonalité et le mode d’expression de ces « bribes » en sont totalement différents.

Notre auteur brosse, simplement, en une douzaine de chapitres, sans linéarité artificielle, sans montage romanesque, une série de tableaux montrant des choses vécues. On n’est pas dans le roman. Le dessein est clair : il s’agit à la fois d’exprimer la monotonie, la banalité, la médiocrité des jours et des jours d’enfermement, et d’en faire émerger les pauvres faits divers qui parviennent à rompre par ci par là la déprimante régularité des rythmes carcéraux et des rituels collectifs et individuels. Certes la souffrance personnelle est perceptible, mais elle reste, pudiquement, non-dite. Pour prendre de la distance, l’auteur se dédouble. Dans la préface, son propre personnage est présenté par Jamal Bellakhdar, un de ses compagnons du militantisme étudiant des années soixante au Maroc.

Le corps de ma mère, Fawzia Zouari

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 06 Mai 2016. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Récits, Joelle Losfeld

Le corps de ma mère, mars 2016, 232 pages, 20 € . Ecrivain(s): Fawzia Zouari Edition: Joelle Losfeld

 

Au mois de janvier 2011, alors que la Révolution de Jasmin, ou Révolution de la Dignité, vient d’éclater en Tunisie, Fawzia Zouari revêt la mélia (costume traditionnel) de sa mère, et à son mari qui lui dit en parlant de cette dernière : « Il te faut donc une révolution pour te sentir autorisée à écrire sur elle », elle s’entend répondre : « Maintenant, je comprends. Ce sont les mots qu’elle m’a laissés en héritage, à son corps défendant ».

Nous revenons alors au printemps 2007, où sa mère se meurt dans un hôpital de Tunis. Nue, parce que dans la tradition berbère une femme est nue lorsque ses cheveux sont découverts, aveugle, elle est entourée de sa famille au sens le plus large du terme, jusqu’aux bédouins du Nord et du Sud qui sont venus lui dire un dernier adieu et se perdent dans les couloirs de l’hôpital. Mais parmi tous ces gens, il n’y a personne pour lui « raconter » sa mère. Encore moins les hommes à propos desquels sa mère disait : « Á défaut d’hériter de nos secrets, les hommes héritent de notre mort, puisqu’il leur revient de marcher seuls derrière notre cercueil ».

Tarédant Sous protectorat, Ami Bouganim

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 17 Février 2016. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Tarédant Sous protectorat, Matanel Foundation Avant-Propos, novembre 2015, 269 pages, 20,95 € . Ecrivain(s): Ami Bouganim

 

Tarédant est une ville imaginaire, à la fois détachée du Maroc et rattachée à ce pays, où vit une population juive en exil – physique et moral –, et de ce fait, aux traditions particulières, à la fois sur et sous-cultivée, « partagée » en deux clients principaux : les courtiers et les aliénés, chacun pouvant échanger avec l’autre avec facilité, en fonction de l’humeur des habitants qui se joue au gré des vents.

Ceux-ci, gouvernés par un prince de retour de contrées plus ou moins lointaines, se défient en joutes oratoires pouvant atteindre – et même dépasser – vingt heures : « L’entrevue entre les deux personnages dura environ vingt-quatre heures. Ils échangèrent des invectives dans la meilleure des traditions rédanaises et il va sans dire que celles de Brave-Vent – le prince – l’emportèrent par leur richesse, leur verdeur et leur pertinence sur celles, plutôt mièvres du médecin. Puis ils se provoquèrent en toutes les langues qui se pratiquaient sur la presqu’île, retenus l’un et l’autre par les riverains de la pointe scandalisés par le sans-gêne grec de l’un et la morgue gauloise de l’autre. Puis ils livrèrent tous les duels qui se pratiquaient dans le monde pour éviter de s’entretuer. Puis ils ouvrirent une mémorable bataille de cartes qui se termina par la ruine du médecin et son endettement » (p.24).

Chuchotements, Leïla Aslaoui-Hemmadi

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 03 Février 2016. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Chuchotements, éd. Dalimen, Alger, octobre 2015, 383 pages . Ecrivain(s): Leïla Aslaoui-Hemmadi

 

Et elle s’en va déterrer les vérités enfouies

L’attente dans un aéroport parisien. Au cœur de ce départ précipité, ce temps vide qui suspend tout sur son passage est propice au doute, à l’inquiétude, à la peur et aux réminiscences. Le présent douloureux fait appel à des souvenirs d’antan : la naissance, l’enfance passée dans la maison des grands-parents à l’époque coloniale, le père mort pour la patrie, la grand-mère belle, élégante, qui a assumé la responsabilité familiale pour pallier l’absence des hommes sacrifiés pour l’indépendance du pays.

Dans cet aéroport, le suspense pèse sur la tête de Hourria, comme une épée de Damoclès. Et pendant ce temps où elle est assise sur des charbons ardents, la voix triste et inquiétante de sa mère au téléphone envahit son esprit. Le souvenir de ses sanglots l’angoisse encore davantage. Son désarroi est sur le point d’atteindre son acmé lorsque… La voix de l’hôtesse nasille pour annoncer le décollage imminent vers Alger.