Madame Richardson et autres nouvelles, Christian Laborde
Madame Richardson et autres nouvelles, janvier 2015, 208 pages, 17 €
Ecrivain(s): Christian Laborde Edition: Robert Laffont
On l’avait laissé en 2012 reluquant les shorts – ces « copeaux d’Éros » – de Diane et de ses affriolantes copines (Diane et autres stories en short, Robert Laffont). Après un détour par le Tour de France et un superbe Parcours du cœur battant dans le sillage de son ami Claude Nougaro, oyez ! oyez ! pas le temps de reprendre son souffle car revoilà Christian Laborde, percutant nouvelliste, qui vient nous shooter aux héroïnes de Madame Richardson et autres nouvelles.
Douze textes qui filent à toute berzingue, sans temps mort mais trompettes oui, celles des cuivres de Duke Ellington par exemple, qu’on entend, avec Camélia Jordana, Charles Trenet, Cat Stevens, Vanessa Paradis, et bien d’autres encore, dans la longue playlist donnée en fin de recueil et qui ressemble à la BO de ce livre à sketches, comme d’autres ont fait des films.
Aucun doute d’ailleurs, le cinéma est bien l’une des grandes sources où puise l’encre de Christian Laborde, celui de Lautner peut-être, de Louis Malle sûrement. Sur l’écran noir de ses pages blanches, se déroule la pellicule de quelques troublants courts-métrages : l’éponyme « Madame Richardson » qui prend un amant pour se délivrer d’un mari ennuyeux à mourir, « L’Espagnol » que les hommes regardent de travers au village et qui se tape leurs femmes pour se venger, « La Bamba » et sa cavale d’amour éperdu… On retrouve aussi avec plaisir toute la veine surréaliste de Christian Laborde, lorsqu’il entonne Le blues du cartable de Constance Beaupré, la prof de français sexy du lycée Alexandre-Dumas, ou qu’il nous plonge surtout dans le merveilleux bain d’« Aquarium »…
Mais il faut avouer un faible pour Trois saisons, cette longue valse noire qui commence avec la nostalgie sacrée de Robert Charlebois quand la mère meurt (« Les cantiques, ça vaut pas Je reviendrai à Montréal »), se poursuit dans la douceur tragique de la belle Albane (« et tout ce que son souffle charriait d’enfance, de neige et de nuit, de désastre et d’aube, était à moi »), et s’achève dans l’impossible passion de cours particuliers de français qui dérapent (« Sa bouche, c’était juin. Juin, qui m’avait perdu de vue, venait à ma rencontre »).
Autant d’histoires qu’on traverse d’une traite, fussent-elles parfois empreintes d’une certaine facilité adolescente dans l’écriture, que vient pourtant magnifier, pour les plus réussies, d’éblouissantes trouées poétiques. Rien de plus libre alors, de plus cru parfois, de plus beau en un mot pour dire la beauté de ces héroïnes qui aiment leur corps, le désir qu’il suscite, et la jouissance qu’il procure.
À noter que les douze nouvelles sont suivies de Quai des bribes, qui réunit des Mots éparpillés sur le net et dans les journaux, de la victoire de Carlos Sastre au Tour de France à la mort de Lou Reed. Soit pas moins de 52 « texticules », pour reprendre le mot de Raymond Queneau, où l’on retrouve avec délectation la plume du pamphlétaire et son jeu favori de sacre et de massacre. D’un côté, le concert du pivert de l’avenue des Lauriers, digne élève d’un Bernard Lubat ; le voleur des culottes des femmes d’Adast, cet « amant des plis », ce « lecteur d’étoffes » ; la pluie, miraculeuse, qui « transforme nos toits de tuiles ou d’ardoises en xylophone » ; Laurent Fignon… De l’autre, l’arrogance des 4x4 des « cardiologues incultes » ; les supporters du Qatar-Saint-Germain…
Un plaisir roboratif.
Frédéric Aribit
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