Lui, Son Frère Céleste, par Nadia Agsous
Deux mains fortes et vigoureuses me soulèvent par la mâchoire. Je vogue dans les cieux, au-dessus du lit du Grand Dieu. Je veux Le rencontrer, Lui parler, L’implorer, Lui demander sa bénédiction. Je traverse l’océan des nuages, confiant et heureux d’être là, dans les sphères célestes, parmi les anges de mon avenir. Une lumière vive éblouit ma vue. Sur le toit du Monde, un homme m’attend. Il me prend par la main. Il me conduit vers un endroit que lui seul connaît. Nous cheminons en silence. Je n’ai jamais été aussi heureux ! Je m’agrippe à lui ; je sers sa main, fort, très fort, si fort qu’il sursaute d’étonnement ; une surprise radieuse s’affiche sur son visage doux et resplendissant de beauté salutaire. Je veux faire un bout de chemin avec lui et redevenir Moi ! Je le connais cet homme. Je lui fais confiance. Cet être du mystère m’a donné la vie ; il me rendra le sourire ; il bercera mon envie de vivre et m’apprendra à avancer sur les chemins cahoteux de l’existence.
La lumière baisse ; l’obscurité se fait de plus en plus imposante. Cet homme illumine ma voie. Je marche sans peur, j’avance sans crainte ; tout rayonne autour de moi ! Je m’en vais suivre les poussières de fées que cet homme a parsemées sur mon chemin.
« – Où m’emmènes-tu, Ô toi, l’inconnu ? osai-je demander à cet homme de la bonté.
– Vers un monde enchanté ! Dans une vie habillée d’espoir ! Dans un immense jardin où poussent de gigantesques roses odorantes ! Je te réserve une existence belle et lumineuse que tu réinventeras par ton regard qui touche au sublime, au merveilleux, à l’extraordinaire, au fabuleux, au fantastique. Et chaque matin, une promesse de magie t’accueillera, les bras ouverts. Emu jusqu’aux larmes, tu frémiras devant ce spectacle d’une beauté et d’une sensibilité saisissantes ».
Je ne voulais pas répondre à cet homme de la miséricorde et de la bonté ; je voulais m’enivrer de ses paroles qui disent l’Espoir du Monde ; qui racontent les douceurs de la vie ; qui font danser les cœurs ; qui réinventent la fulgurance du regard ; qui adoucissent les douleurs des meurtrissures existentielles.
Je lui dis naïvement :
« – Ce matin, le ciel a tremblé.
– Ah, ce matin ! Oui, Dieu a déserté sa demeure.
– Dieu ?
– Il est tombé du ciel lorsque le jour s’est levé.
– Tombé ? Mais où ?
– Dans le fossé de l’Infini !
– Mais qui lui a donné refuge ?
– Expulsé !
– Par qui ?
– Enterré !
– Mais pourquoi ?
– Chut ! Ne le perturbe pas ! Il implore le pardon. Dans sa prière, des pleurs à la fois de douleur et de regrets !
– Et son œil alors ? Si rassurant ? Si protecteur ? Si chaleureux ?
– Il ne veille plus !
– Et son œil alors ? Si sévère ? Si accusateur ? Si moralisateur ?
– Broyé dans le tumulte des paroles des prières qui susurrent, murmurent, halètent, et au bout du compte, s’épuisent ».
Puis nous nous sommes tus. Nous avons continué à marcher, main dans la main, dans un silence complet ! Lorsque la nuit s’épanouit, il me déposa, tendrement, dans le creux de mon lit. Mais avant de partir, je lui dis en le fixant dans les yeux :
« – Si Dieu est tombé dans le fossé de l’Infini, qui es-tu, toi alors ?
– Qui suis-je ? Qui suis-je ? D’où je parle ? Ah, les éternelles questions ! Je suis innommable. Je suis indolore. Je suis incolore. Je suis tout. Je suis absolument tout ! Je suis rien. Je suis absolument rien ! Je suis les deux à la fois. Ta mémoire est ma demeure. Je fouille. Je creuse. Je fouine. Puis je sélectionne. Je hiérarchise. Je sauvegarde les souvenirs heureux.
La nuit, j’élimine ; j’efface les souvenirs tristes et mélancoliques. Nul ne peut me saisir. Chimère je suis ! Illusion je deviens ! Mon ombre est évanescente. Ma présence est éphémère. Mon espérance de vie est limitée. Je ne vis que quelques heures, puis je disparais dans la nuit anonyme. Je m’en vais me réfugier dans l’obscurité, et Absence je deviens ! Ne compte pas trop sur moi ! Ne m’accuse pas de tous les maux ! Vis ! Répands le bien autour de toi ! Sème la joie et le bien-être !
– Mais qui es-tu, toi ? rétorquai-je avec insistance.
– Moi ? Je suis Lui, Son Frère Céleste ! »
Ainsi se passa ma rencontre avec Lui, Son Frère Céleste, celui qui me dépouilla de mes illusions divines.
Nadia Agsous
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