Litanie pour les disparus (par Hans Limon)
Ce texte fait partie d’un immense ensemble qui s’appellera Le Marcheur de Flammes (et dont l’architecture reprendra celle de la Bible).
Le babil ingénu des soyeux rossignols
le roulis chaleureux des modestes envols
et la mort qui m’appelle et la mort qui m’appelle
et mes élans crevés d’emblée se font la belle
un soleil matinal au chevet des planètes
une gloire azurée nimbant toutes les têtes
et la mort qui m’appelle et la mort qui m’appelle
et mon trèfle jauni se ramasse à la pelle
le doux balancement des fesses de Junon
l’ivresse engloutissant l’ombre du cabanon
et la mort qui m’appelle et la mort qui m’appelle
et la horde poursuit la mince tourterelle
le râle des plaisirs devant la maison close
le secret des ébats que la foule indispose
et la mort qui m’appelle et la mort qui m’appelle
et le coup de fusil froisse le bec et l’aile
la torsion des corps nus sous la voûte grimée
l’orgasme brut sous la paupière de l’aimée
et la mort qui m’appelle et la mort qui m’appelle
et me taille le sexe en forme d’hirondelle
des beaux condescendants jusqu’aux faux remontants
l’hypocrisie navrée déploie ses contretemps
puis d’un salut touchant rejoint l’œuvre et l’Enfer
où s’offre au stupre un peu de poils de jambe en l’air
le souvenir futur des avenirs passés
la trouble confession de l’ombre aux opiacés
et la mort qui m’appelle et la mort qui m’appelle
et couvre de charbon mon pancréaquarelle
une heure au pied du pic à guetter les abaques
le désir agressif à se prendre des claques
et la mort qui m’appelle et la mort qui m’appelle
et mon verre vidé réfléchit la tonnelle
la symphonie du monde émonde à l’aveuglette
les spasmes satisfaits baisant ma joue replète
et la mort qui m’appelle et la mort qui m’appelle
et l’ogre léonin déchire la gazelle
mon occiput scié sur le terne chambranle
et la vie qui s’en fout et la vie qui s’en branle
mes derniers jours de paye à la roulette suisse
et la vie qui frémit de voir mon entrecuisse
ma gorge lacérée prête à jouer les esprits
et la vie qui s’amuse et chie sur mes écrits
ma poitrine écrasée sous le poids des remords
et la folâtre vie qui multiplie mes torts
ma silhouette évasive au quatrième étage
et la vie qui s’agite et boucle mon bagage
le cul par-dessus fête au milieu des passants
et la vie qui nettoie les traces des absents
ma poésie languit loin des joies de Paname
et la vie qui s’affaire et la vie qui s’affame
le papier qui s’échange avec de beaux soupirs
et la vie qui se pâme et tringle mes tapirs
ce fléau de moi-même aux basques d’un ami
et la vie qui se lasse et s’endort à demi
ce piteux carnaval au milieu de la place
et ma gueule cinglée froide comme la glace
et mon corps délabré que lorgne le rapace
et la vie qui fignole et la vie qui fracasse
mon cri d’orfraie sordide au bord des lourds tombeaux
et la vie qui débarque avec ses gros sabots
et s’exprime et déplore et termine au bistro
car ce jeune exagère, hallucine allegro
car il faudrait saisir l’avant-dernier métro
car il fait bien trop froid depuis sa brève intro
car vit trop celui qui ne vit que pour survivre
et boire aux vieux châssis la tourmente et le givre
car je suis l’angelot des gens de la fontaine
qui de sa verge vague, espiègle, inique, hautaine,
arrose vos dictons, purifie vos cervelles
et n’en finit jamais de souffler vos chandelles
car ta bouche a prédit mon languissant naufrage
et je ne voudrais pas léser mon équipage
car ta langue a maudit mon entrechat sauvage
et je baiserais bien ta brume et ton ramage ».
Hans Limon
- Vu : 2001