Les Saisons de la vie, Nadine Gordimer
Les Saisons de la vie, novembre 2014, 1952-2007 traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par P. Boyer, J. Damour, J. Guiloineau, G.Lory, 608 pages, 24 €
Ecrivain(s): Nadine Gordimer Edition: Grasset
Première chose à préciser concernant ce gros volume de nouvelles de la grande Dame sud-africaine : tous les textes publiés ici l’ont déjà été dans divers recueils. Pas d’inédits donc, mais une anthologie qui balaye un demi-siècle d’écriture et d’histoire. Un volume de poids, matériellement et à la lecture. Les nouvelles y sont éditées par ordre chronologique mais on peut regretter que les dates de publication ne soient pas plus mises en évidence (il faut aller les rechercher dans les indications des sources en fin de volume). Avouons aussi qu’un petit rappel sur les évènements que traversait l’Afrique du Sud en parallèle aurait été tout aussi appréciable, tout le monde n’ayant pas en tête le dernier demi-siècle d’histoire de ce pays. Voilà pour les regrets concernant l’édition.
Un recueil que nous avons trouvé par ailleurs bien inégal, avec des nouvelles hélas parfois un peu trop longues et bavardes. Il y a, pour votre serviteur en lectures, quelques perles mais hélas aussi de la lourdeur qui fait que l’on peine à venir au bout de cet énorme recueil qui jette souvent un regard ironiquement et paradoxalement désespérant sur l’histoire qu’ont traversée ce pays et cette nation.
On y découvre que les blancs, Afrikaners ou autres, ne peuvent qu’afficher leur intérêt et leur sensibilité, leur attention à la réalité vécue par les non-blancs (africains ou indiens), mais qu’une certaine méfiance et une certaine incompréhension ne disparaissent jamais tout à fait, faisant courir un certain malaise, une ombre sur les militantismes – affichés ou discrets – qui peuvent toujours être suspectés de calculs, d’économie de la bonne conscience.
Certaines pages nous sortent totalement du contexte sud-africain pour nous parler plus directement de l’humain et de ses difficiles relations à ses semblables (comme dans cette lettre du père, sorte de droit de réponse du père à la lettre au père de Kafka).
La diversité de forme et de fond des différentes nouvelles (certaines sont de vraies short stories, elliptiques et percutantes) montre la large palette de l’auteur emblématique de la littérature Sud Africaine en ces temps où s’imposait – avec plus de complicités et d’indifférence qu’on ne le dira par la suite – puis s’effaçait l’un des régimes socio-politiques les plus détestables du XXe siècle.
Malgré certaines longueurs ou lourdeurs, on découvre une sensibilité littéraire et la réalité de l’histoire (celle avec un grand H comme celle avec un petit h) d’une nation dont les mythologies ont sans doute bien masqué la réalité et faussé nos représentations. Mais pour découvrir Nadine Gordimer, grande figure littéraire et politique, prix Nobel 1991, il sera peut-être plus judicieux de commencer par ses romans.
Marc Ossorguine
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