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Les riches heures, Claire Gallen

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa 09.02.13 dans La Brune (Le Rouergue), La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

Les riches heures, janvier 2013, 192 p. 18 €

Ecrivain(s): Claire Gallen Edition: La Brune (Le Rouergue)

Les riches heures, Claire Gallen

 

Un jeune couple qui a connu et profité des riches heures de la spéculation immobilière, des placements juteux à défaut d’être parfaitement légaux, se retrouve, crise financière oblige, ruiné, menacé par la justice, contraint d’abandonner un train de vie dispendieux pour affronter des fins de mois précaires et de claquer leurs dernières économies dans des vacances au Lavandou.

Leur union peut-elle résister, quand les sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre reposent, et ce, dès l’origine, sur des valeurs artificielles et des faux-semblants, quand leurs origines sociales, leurs goûts et centres d’intérêt profonds ont toujours été discordants, mais en apparence soudés par la fascination de l’argent facile ?

Passer de la frime à la réalité, du mensonge à la sincérité, peut coûter cher sur tous les plans. L’orgueil, l’image de soi – ils vont en faire la cruelle expérience – n’en sortent pas indemnes.

« Vider l’appartement n’a pas suffi. Il a fallu demander un geste aux parents d’Anna. J’en vomissais, mais c’était ça ou les huissiers […] ils nous ont remis une enveloppe pleine de billets […] Ils rachetaient leur fille. J’en crevais de honte ».

« Il y a des filles comme ça, ça les écorcherait d’avoir à reconnaître qu’elles se sont trompées. Leur amour-propre est plus grand que leur mépris ».

Gaëtan, ancien commercial hyper doué pour vendre n’importe quoi à n’importe qui, hier au top de sa forme dans la cession de biens immobiliers, narre avec un détachement quasi clinique la lente et inexorable descente de son couple vers le degré zéro de l’échelle sociale et vers la déliquescence de leurs rapports amoureux. Il constate, décrit, subit plus qu’il n’analyse ou ne se prête à une remise en cause, au moindre frémissement d’un examen de conscience. Pétri d’égoïsme et de lâcheté, il se coupe peu à peu du monde, s’enfonce dans une procrastination complaisante, devient le spectateur de son propre déclin, du détachement progressif d’Anna, avec une froide indifférence qui se teintera, au gré de l’avancée du récit, de ressentiment et d’agressivité.

Pourtant, un événement fortuit risque de changer la donne. Témoin d’un accident de la route, l’image fugace sur le bas-côté d’une jeune fille ensanglantée l’obsède, d’autant qu’il poursuit son chemin, en pensant l’avoir peut-être heurtée.

Incapable d’empathie pour les clients qu’il a ruinés, pour sa compagne qui cherche à retrouver sous le soleil du Lavandou l’insouciance, les amusements factices, voire un nouvel amour, un sentiment de culpabilité lié à ce fait divers, s’insinue dans son esprit.

Sera-t-il capable au terme d’une enquête qui se transforme en quête personnelle de retrouver la trace de cette jeune fille, connaître la vérité sur son sort et, le cas échéant, obtenir son pardon ?

« Il faut toucher le fond pour rebondir », dit le proverbe. Sans doute, mais pour rebondir vers quoi ? Gaëtan aura-t-il cette opportunité, ou pas ? Et si oui, qu’en fera-t-il ? Ne risque-t-il pas de chercher à sortir de son impasse existentielle finalement « à bon compte » ?

Dans ce premier roman, dès les premières pages, Claire Gallen empoigne le lecteur et ne le lâche plus, ou presque, le rebondissement final étant un peu tiré par les cheveux.

Le côté obsessionnel du recours par l’auteure au verbe « dire », dans les dialogues indirects, rend particulièrement lancinant et palpable le malaise destructeur qui s’installe entre Gaëtan et Anna. Précise et juste dans sa perception d’un monde en perte de repères, de valeurs et de morale, pointue dans sa description d’un climat social et économique où prime la loi du profit à court terme, fine dans sa radioscopie du délitement des rapports d’un couple, Claire Gallen signe avec Les riches heures un début en littérature, plein de promesses.

 

Catherine Dutigny/Elsa


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A propos de l'écrivain

Claire Gallen

 

Claire Gallen, après une école de commerce, entre au Centre de formation des journalistes (CFJ) et intègre à sa sortie l’AFP, où elle est notamment correspondante à Berlin et à Washington, spécialisée dans les questions économiques. Elle vit aujourd’hui à Bruxelles. Les riches heures est son premier roman.

 

A propos du rédacteur

Catherine Dutigny/Elsa

 

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Rédactrice

Membre du comité de lecture. Chargée des relations avec les maisons d'édition.


Domaines de prédilection : littérature anglo-saxonne, française, sud-américaine, africaine

Genres : romans, polars, romans noirs, nouvelles, historique, érotisme, humour

Maisons d’édition les plus fréquentes : Rivages, L’Olivier, Zulma, Gallimard, Jigal, Buschet/chastel, Du rocher, la Table ronde, Bourgois, Belfond, Wombat etc.