Les papillons noirs, Caroline Gutmann
Les papillons noirs, mai 2018, 320 pages, 19 €
Ecrivain(s): Caroline Gutmann Edition: Jean-Claude Lattès
Caroline Gutmann nous offre avec ce livre un vigoureux récit de résilience. Les « papillons noirs » qui peuplent son esprit et gênent sa vision sont les symptômes d’un envahissement de son cerveau par un méningiome, tumeur bénigne qui advient, par malchance, plusieurs dizaines d’années après une chimiothérapie. L’héroïne, très inspirée de l’autobiographie de l’auteure, a une longue histoire avec la maladie et aspire à toute force à appartenir au monde des bien portants.
Libérée de toute charge professionnelle et familiale pendant le temps des examens et du traitement, elle se trouve à même d’explorer des pans de son histoire familiale paternelle qui lui étaient encore inconnus : Jean Gutmann, son père, resté à elle étranger, à la fois admiré et détesté, Gustave Hinstin (nom dérivé de celui d’Einstein), son arrière-grand-père, enseignant aux penchants homosexuels et mentor de Lautréamont, l’autre grand-père, le docteur Fernand Lamaze, inventeur de « l’accouchement sans douleur », le général Adolphe Hinstin, l’arrière-grand-oncle, et le cousin issu de germain Charles Hinstin, surnommé par Joseph Kessel « Le Zombie », installé au Cameroun dans les années 1930, qui reprend ensuite l’entreprise Citroën fondée par son père en région parisienne avant de s’expatrier à Kaboul, sont les figures marquantes qui reprennent vie au fil des pages.
En parallèle, pas à pas nous suivons les évolutions du tableau clinique de l’héroïne, hospitalisée en service de neurochirurgie à l’hôpital Sainte-Anne, ses rencontres, ses visites, ses examens, ses baisses momentanées de moral et ses reprises, tout cela conté avec vivacité et fantaisie, accompagnées d’une pointe d’ironie. Il ne faut surtout pas prêter le flanc à la commisération, à la pitié, verser dans la compassion, et engendrer ainsi le malheur et la tristesse. Même en milieu hospitalier, la vie continue, avec son cortège d’amusement et d’insouciance : telle est la « structure mentale » du personnage, et « la maladie n’y changerait rien ». Du repos en Bretagne, au bord de la mer, apporte la paix et l’espoir en fin d’ouvrage.
Toutefois, cette structure mentale farouchement optimiste n’occulte pas la lucidité : nous, humains, sommes des « zombies » qui « avançons dans l’existence, toujours entre deux mondes, sachant mieux que personne que nous sommes de passage, en sursis. De nos voyages, nous avons appris à voir plus loin et à capter les lumières cachées.
C’est notre force ».
Sylvie Ferrando
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