Les nouvelles révélations de l’être, Antonin Artaud (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Les nouvelles révélations de l’être, février 2019, 48 pages, 12 €
Ecrivain(s): Antonin Artaud Edition: Fata Morgana
L’introduction au néant
Dès 1937 – date de l’écriture de ce texte – Artaud inscrit de facto sa schize : « je ne suis pas mort, je suis séparé ». Ce « mort au monde » se trouve déjà incapable de parler en son nom et va commencer le cycle des rétentions en asiles psychiatriques.
S’inscrit déjà ici ce que les Cahiers terminaux finiront dans cette tentative de se débarrasser de la matrice de la tache de naissance, des vices de la chair et de l’esclavage qu’elle enclenche.
S’inscrivent les premières scènes (tragiques et fulgurantes) du « théâtre généralisé » de l’auteur. Elles sont la véritable introduction au néant. La mort n’est plus tenue à distance.
Se sent déjà comment la terre aspire l’être dont elle se nourrit jusqu’aux « crachats ». Artaud rentre directement en rapport avec les semences immondes qui sont les restes et les cendres. Comme plus tard dans les Lettres relatives aux Tarahumaras, il vit – ou subit – là mais sous un registre totalement opposé une « expérience organique ».
L’expression « la terre qui est mon corps » n’est déjà plus une métaphore. Et celui qui s’écria dans les Tarahumaras « Je suis retourné à la terre » trouve ici ce chemin qu’il ne quittera plus. « Tout est présent en moi sans voyage et sans retour » écrit celui qui se sent toujours pris dans « les mâchoires d’un carcan ».
Celui qui affirmera « Je n’ai jamais cherché que le réel » (Nouveaux écrits de Rodez, XX) se sait en voie de « perdre la viande » même s’il ne lui en restait que fort peu. Dès ce texte, s’inscrit par anticipation le testament où l’œuvre se retourne sur elle-même. Il s’agit d’une première transgression de l’aube en crépuscule là où jaillissent les pépites d’une douleur utérine, affres d’affres des agonies.
Il n’a plus besoin de faire appel – comme il le tenta – à la prière de Mathieu dans le Nouveau Testament : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation ». La tabula rasa est déjà dressée.
Jean-Paul Gavard-Perret
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