Les larmes de Vesta, Michel Joiret (par Philippe Leuckx)
Les larmes de Vesta, Michel Joiret, MEO éditions, septembre 2019, 152 pages, 15 €
En vingt-trois chapitres brefs, le romancier, épris d’histoire, nous conte deux destins, intimement liés à l’histoire de Rome.
Ce qu’il arrive à Lucius, d’une bonne famille romaine, installé à Pompéi, relève d’un attachement à des lieux et à des personnes. Sa mère, Luna, son oncle Flavius, l’ami, Pline le Jeune, sont autant de figures qui le révèlent à lui-même, et partant, au lecteur. Voilà un Romain qui ne se contente pas de vivre à la manière patricienne, qui ne se contente pas de céder aux charmes d’une vie publique et privée aisée, facile. Les événements – l’enfouissement de l’oncle à cause de l’éruption, la mort de sa mère – font tout un travail de deuil et de vie, pour mieux saisir le monde tout autour.
Parallèlement à ce parcours, ce que vit Luc, professeur de latin dans un athénée bruxellois, semble un appel à l’histoire, cette Rome dont il assiège les petites cervelles de ses étudiants par autant de rappels et d’anecdotes. Mais Luc va mal, il le sent, tout lui échappe et même le recours à l’histoire lui semble un leurre. Même sa quête du passé, au travers de carnets qu’il dépouille, lui paraît insaisissable, fuyante.
Dans le droit fil de ses romans précédents, où il alliait l’histoire, la Grande, avec celle intime de ses proches, Joiret réussit, avec brio, et à l’aide d’une langue de poète, économe et singulière, à nous transporter deux mille ans en arrière, dans le bruissement vrai, réaliste d’une Rome elle-même singulière et inoubliable. On est là au cœur des événements, pris par la qualité d’un regard qui dépiaute l’histoire et ses figures.
À l’aune de Pline, qui enseigne la sagesse, la grâce du roman est de nous apprendre beaucoup sans l’assener, avec subtilité et enchantement car comment résister aux tableaux qu’il nous donne de Rome ? Comment résister à la tendresse de ses personnages, attachants et discrets ?
Voilà un bel opus, nourri d’une grande culture et d’une profonde sagesse.
Philippe Leuckx
Michel Joiret, né en 1942, est poète et romancier. On lui doit notamment Le Carré d’or, et Chemin de fer.
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