Les Griffes du Passé (Known to Evil) Walter Mosley (par Léon-Marc Levy)
Les Griffes du passé (Known to evil). Nov. 2011. Trad. De l’anglais (USA) Oristelle Bonis. 355 p. 23 €
Ecrivain(s): Walter Mosley Edition: Editions Jacqueline ChambonWalter Mosley est l’un des derniers dinosaures du roman noir américain. Il est tout droit sorti de l’univers irremplacé de l’âge d’or, celui de Raymond Chandler, de Davis Goodis, de Chester Himes. Son monde est pétri de la même pâte : la Ville, partout dévorante, létale, asphyxiée et pourtant d’une beauté écrasante. Les personnages de Mosley, depuis 20 ans et près de 20 livres, sont happés par la Ville comme des papillons par la lumière : ils s’y grillent les ailes mais n’en partiraient pour rien au monde. Le monde de Mosley est noir (dans tous les sens du terme, Walter Mosley, comme Chester Himes, est Afro-Américain) et mégapolitain.
Avec Les Griffes du Passé, on lit la deuxième enquête du nouveau héros de Mosley, Leonid McGill. Détective privé bien sûr (je vous l’ai dit, grand classique !), noir, désabusé, mais qui ne pourra jamais se défaire d’une croyance originelle en l’humanité. Malgré. Malgré tout. Et le « Tout » ce n’est pas rien !
A la recherche d’une jeune femme introuvable, Leonid va nous emmener dans un voyage improbable à travers un New York –évidemment – fascinant. Et pourtant tout a commencé par un coup de fil qui semblait annoncer une affaire des plus simples :
- Quand suis-je censé retrouver cette jeune femme ?
- Maintenant… Ce soir. Mais vous n’aurez pas à la chercher, je peux vous dire précisément où elle est.
- Dans ce cas, pourquoi ne pas l’en informer, lui, pour qu’il aille lui-même lui parler ?
- Il préfère que ça se passe de cette façon.
- Pourquoi ne pas vous en charger ?
- C’est vous qu’il veut, Léonid.
Vous devinez. Quand une affaire commence comme ça, élémentaire, les sacs d’embrouilles vont s’enchaîner ! Et les « portraits » de la « disparue » vont se succéder, métamorphiques, de la jeune fille candide et sérieuse à la femme fatale, séductrice et corrompue. Qui est Angélique ? Où est Angélique ?
Walter Mosley est un grand parce que son écriture est un modèle dépouillé du grand polar. Une sorte d’épure, sans bavardage inutile. Une manière de poésie urbaine qui égrène les scènes dans la suggestion plus que dans la narration.
« Dans le fond, une ouverture exceptionnellement mince donnait sur un escalier aussi étroit que raide. Quatre étages plus bas, nous avons débouché dans un couloir sombre. Le genre d’endroit propre à communiquer un sentiment de finalité au prisonnier enchaîné que je n’étais pas encore.
Je pourrais en citer, des défenseurs de la Vie qui ont disparu aux yeux du monde après avoir été poussés dans des couloirs de ce genre. »
Et on marche. Avec Leonid McGill : le privé, ancien boxeur, à la vie sentimentale dévastée mais au cœur intact malgré les blessures que lui inflige une réalité impitoyable. C’est qu’il est fils de Tolstoy McGill, communiste et syndicaliste, « refaiseur de monde », qui l’a quitté quand il était encore enfant mais dont il a gardé à jamais l’amour des hommes.
Un roman noir comme on les aime. Fébrile, prenant, surprenant et dont l’univers sombre est traversé de traits de lumière.
Léon-Marc Levy
VL2
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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