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Les Funérailles du canari (Hommage à Philip Roth)

Ecrit par Matthieu Gosztola 08.09.15 dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

Les Funérailles du canari (Hommage à Philip Roth)

 

 

 

 

 

Tu as entendu parler des funérailles du canari

Dans ce qui était le Premier arrondissement

Le jour où un cordonnier du coin

A enterré son canari ?

 

Ça se passait en 1920

Sur Boyden Street

Il y avait un cordonnier

Russomanno

Emidio Russomanno

Un petit vieux qui avait l’air d’un pauvre

Des grandes oreilles

Le visage émacié

Une barbiche blanche

Et sur le dos

Un costume usé

Jusqu’à la corde

Qui avait bien

Cent ans

 

Comme animal

De compagnie

Dans sa boutique

Il avait un canari

En cage

 

Ce canari s’appelait Jimmy

 

Et Jimmy a vécu longtemps

Et puis un jour il a mangé

Quelque chose

Qui ne lui a pas réussi

Et il est mort

 

Russomanno était anéanti

Alors il a engagé

Une fanfare

Loué un corbillard

Et deux voitures à chevaux

Et après que le canari

A été exposé

Sur un banc

Dans la boutique

(Russomanno n’avait pas lésiné

: fleurs

: cierges

: crucifix)

Le cortège funèbre

A traversé

Les rues du quartier

 

Ils sont passés

Devant l’épicerie Del Guercio

Où il y avait

Des bourriches de palourdes

À l’étalage

Et un drapeau américain

Dans la vitrine

 

Devant les fruits et légumes Melillo

Devant la boulangerie Giordano

La boulangerie Mascellino

La boulangerie italienne Arre « À la Bonne Croûte »

 

Ils sont passés devant la boucherie Biondi

Et la sellerie De Lucca

Le garage De Carlo

La torréfaction D’Innocenzio

Les chaussures Parisi

Les bicyclettes Nole

La latteria Celentano

L’académie de billard Grande

Le barbier Basso

Le barbier Esposito

Et le stand du cireur

Avec deux vieux sièges en cuir

Éraflé

Sur une estrade

Où les clients devaient grimper

 

Voilà quarante ans

Que ça a disparu

 

Tout

ça

 

D’après J’ai épousé un communiste, traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun (voir Philip Roth, L’Amérique de Philip Roth : Pastorale américaine, J’ai épousé un communiste, La tache, Le complot contre l’Amérique, Editions Gallimard, collection Quarto, 2013, p. 380-381).

 

Matthieu Gosztola

 


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A propos du rédacteur

Matthieu Gosztola

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Rédacteur

Membre du comité de rédaction

 

Docteur en littérature française, Matthieu Gosztola a obtenu en 2007 le Prix des découvreurs. Une vingtaine d’ouvrages parus, parmi lesquels Débris de tuer, Rwanda, 1994 (Atelier de l’agneau), Recueil des caresses échangées entre Camille Claudel et Auguste Rodin (Éditions de l’Atlantique), Matière à respirer (Création et Recherche). Ces ouvrages sont des recueils de poèmes, des ensembles d’aphorismes, des proses, des essais. Par ailleurs, il a publié des articles et critiques dans les revues et sites Internet suivants : Acta fabula, CCP (Cahier Critique de Poésie), Europe, Histoires Littéraires, L’Étoile-Absinthe, La Cause littéraire, La Licorne, La Main millénaire, La Vie littéraire, Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, Poezibao, Recours au poème, remue.net, Terre à Ciel, Tutti magazine.

Pianiste de formation, photographe de l’infime, universitaire, spécialiste de la fin-de-siècle, il participe à des colloques internationaux et donne des lectures de poèmes en France et à l’étranger.

Site Internet : http://www.matthieugosztola.com