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Les deux passeurs - Traduire Mayenburg

Ecrit par Marie du Crest 26.03.13 dans La Une CED, Entretiens, Les Dossiers

Les deux passeurs - Traduire Mayenburg

 

Depuis 2005, Hélène Mauler et René Zahnd traduisent ensemble ou plutôt l’un avec l’autre des pièces du répertoire allemand contemporain. Avec enthousiasme, ils ne traduisent que du théâtre, chez l’Arche Editeur, maison qui propose un riche catalogue germaniste. Ainsi ont-ils travaillé sur des textes d’Horvàth, de Schimmelpfennig ou de Bärfuss. Ils ont aussi en 2012, chez le même éditeur, proposé une nouvelle traduction de la pièce de Brecht : La résistible ascension d’Arturo Ui.

Le 14 mars, deux jours après la première de la création française de Perplexe au théâtre des Ateliers à Lyon, dans une mise en scène de G. Chavassieux, le Goethe Institut de Lyon et son nouveau directeur B. Finger les accueillaient pour échanger sur l’entreprise très particulière que représente la traduction théâtrale.

 

Propos recueillis par Marie Du Crest

Vous n’échapperez pas à la question de votre traduction « à quatre mains »…

 

Hélène Mauler : Effectivement. En fait, nous suivons une sorte de protocole. L’un de nous deux réalise un premier jet qu’il soumet aux remarques de l’autre. Il peut les accepter ou au contraire les réfuter. Dès lors s’engage un processus de discussion qui fera émerger un texte. Nous faisons circuler le texte, lui rendant ainsi toute sa dynamique.

René Zahnd : Il s’agit en quelque sorte d’un ping-pong intellectuel passionnant.

Hélène Mauler : Il est question en fait, de joindre nos points de vue sur l’œuvre.

 

Y-a-t-il une spécificité de la traduction du texte dramatique par rapport à celle du roman ?

 

René Zahnd : Tout à fait. La traduction dans ce cas précis vise d’abord l’oralité ; il faut savoir comment faire entendre, faire résonner le texte.

Hélène Mauler : Nous devons toujours avoir à l’esprit que nos textes vont être dits, articulés par des comédiens. Il s’agit presque de phonétique. Nous relisons d’ailleurs nos textes à haute voix. Par ailleurs, un texte de théâtre est très marqué par la phrase interrogative et il nous faut aussi réfléchir à la proposition la plus adéquate même si le sens est de l’ordre du synonyme. Faut-il traduire « Tu fais quoi ? » ou bien « que fais-tu ? » ou encore « qu’est-ce que tu fais ? »

 

Comment avez-vous découvert Mayenburg ?

 

Hélène Mauler : La pièce qui est à l’origine de nos traductions de Mayenburg, c’est Le moche (2008), pièce qui nous a beaucoup fait rire et qui est d’ailleurs aujourd’hui très souvent montée en France.

 

Quelles sont les caractéristiques de l’écriture de Mayenburg ?

 

René Zahnd : Malgré une apparente facilité, une impression de proximité linguistique, la phrase de Mayenburg est d’une précision d’orfèvre. Sa syntaxe et son vocabulaire sont très rigoureux. Et cela est d’autant plus manifeste qu’il travaille sur des glissements imperceptibles et pourtant efficaces tout au long de la pièce, par exemple lorsqu’il s’agit de passer d’un personnage à l’autre. Son théâtre est écrit.

 

Avez-vous des contacts particuliers avec l’auteur en cas de difficulté ?

 

Hélène Mauler : La plupart du temps, nous échangeons de simples mails quand nous butons sur un problème, sur quelque chose que nous ne comprenons pas. Et Mayenburg répond qu’il ne sait pas… Nous finissons par arrêter une traduction ; ainsi pour le titre de la pièce : perplex en allemand peut être un singulier ou un pluriel ; nous avons adopté en français le singulier. De toute façon, pour l’ensemble de nos traductions, nous refusons le principe qui consisterait à trouver une équivalence française à une donnée allemande au nom d’une quelconque incompréhension.

 

Quel est le rôle des didascalies chez Mayenburg ?

 

René Zahnd : Mayenburg accorde une réelle importance aux didascalies mais celles-ci portent sur les objets, les accessoires et jamais sur des intentions de jeu du genre « en criant ».

 

Vous avez peu de relations avec l’auteur, qu’en est-il avec les équipes artistiques ?

 

Hélène Mauler : Il n’est pas toujours possible matériellement de les rencontrer mais c’est toujours enrichissant d’aborder des lectures avec elles. De toute façon, ce sera la mise en scène qui, au bout du compte, sera l’épreuve du feu de notre traduction, c’est elle qui la validera en somme.

 

Quels sont aujourd’hui les perspectives du théâtre allemand ?

 

René Zahnd : Les théâtres allemands à la différence des structures françaises se font largement l’écho des écritures contemporaines. Mayenburg et d’autres auteurs de sa génération sont connus et reconnus. La plupart d’entre eux sont auteurs et gens de théâtre. Perplexe a été créé par Mayenburg en personne. Nous n’avons pas vu cette création, on l’a dit pas très réussie. C’est pourquoi nous avons hâte de découvrir le travail de G. Chavassieux et du collectif ILDI ! ELDI et d’entendre notre traduction…

 

Marie DuCrest


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A propos du rédacteur

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Rédactrice

Théâtre

Marie Du Crest  Agrégée de lettres modernes et diplômée  en Philosophie. A publié dans les revues Infusion et Dissonances des textes de poésie en prose. Un de ses récits a été retenu chez un éditeur belge. Chroniqueuse littéraire ( romans) pour le magazine culturel  Zibeline dans lé région sud. Aime lire, voir le Théâtre contemporain et en parler pour La Cause Littéraire.