Les Caliguliennes, Jacques Cauda
Les Caliguliennes, Les Crocs électriques, 2017, photographies d’Elizabeth Prouvost,
Ecrivain(s): Jacques Cauda
Jacques Cauda le « meurtrier »
Jacques Cauda dans la lignée de Sade et d’Artaud pousse la littérature littéralement dans le corps. Celui des femmes. Et celui de la première d’entre elles qui donne autant la nuit que le jour et à laquelle dans Les Caliguliennes les photographies d’Elizabeth Prouvost donnent des reflets aux noirceurs incestueuses.
Le livre est subliment « abject » en ce qu’il taillade. C’est donc un opéra – entendons ouverture. Et l’auteur y pénètre par toutes les blessures et les orifices. Jaillissent les éclaboussures provoquées par les saillies de l’écriture faite d’enjambements et des crimes. Chaque texte devient générateur d’une dévoration orgasmique. L’œuvre devient une histoire de sons et de cris fondamentaux sortis du plus profond de l’être. Le souffle est là sans pompe lyrique mais elle aspire le sang et le cerveau. La liberté se fait chair. Celle-ci ne résiste pas au sublime désordre rhétorique de Cauda. Il crachait ses poumons face à ceux qui en pincent pour les fortes poitrines.
Dégueulant la mère et ses « étoiles bleues », le vieux garnement se rebiffe. Son écriture n’a rien de rachitique, elle « postillonne des radicules de rage », se ranime selon une a-métrique. Les « Humains épars, pliés », l’auteur et la photographe les condensent, les ramassent. Cauda jouit en langue vivifiante en un halètement aussi vocal que poétique. Les concepts de postmodernité ou d’avant-gardisme ne feraient que minimiser une voix poétique inédite. Elle ne cesse d’envoyer des coups en « pays d’occupants », peaufine une rhétorique contre les spectres des ombres qui scellent les lois du monde. Loin des chansons bien douces la voix braque le logos admis. Avec l’auteur nous voici embarqués pour les Charenton ou autres hôpitaux psychiatriques.
Auparavant nous aurons maté au-dessus de leurs bas toisons et grandes lèvres que les femmes écartent. Tous les verbes passifs passent au présent de soi, un présent singulier. Nous voici au cœur d’un horrible gai savoir. Des croupes se montent, des bouches sucent le sexe qui parfois lâche non seulement son sperme mais son urine. Une mère nue en talons aiguilles ricane face à des yeux fous. Amour et haine à l’aine. Tripe chaude, le ventre proéminent verse un tombereau de graisse.
Puritains s’abstenir : Cauda n’y va pas par le dos de la cuillère pour évoquer tout des Caliguliennes dont il abuse – à moins que ce soit le contraire. Con suce bête. Mais ce n’est là que la partie émergée de l’orgie meurtrière. Les « métamorphes » finissent par « meugler à mort » lorsqu’elles se saucent, pour finir, avec la main. Reste la comédie (ou la tragédie) absolue des corps là où néanmoins le livre échappe au cynisme, à la vulgarité et au pusillanime.
Jean-Paul Gavard-Perret
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