Les bios (très) interdites, Vincent Dedienne
Les bios (très) interdites, novembre 2016, 240 pages, 17€
Ecrivain(s): Vincent Dedienne Edition: Flammarion
L’art de la dérision
Vincent Dedienne est une des figures montantes de l’humour français. Révélé en 2013 au Montreux Comedy Casting, il devient, de septembre 2014 à juin 2016, le biographe non officiel des invités du Supplément, émission dominicale diffusée sur Canal plus. Les bios (très) interdites, que publient les éditions Flammarion, réunit les meilleurs textes dans lesquels le comédien réécrit les vies d’une petite centaine d’hommes et femmes politiques, d’artistes et autres personnalités qui se sont succédé sur le plateau dirigé par Maïtena Biraben puis par Ali Badou.
Sa plume, Vincent Dedienne la trempe tour à tour dans de l’acide, de la ouate ou de l’absurde – encre décalée et quelque peu surréaliste. Les rires et sourires qu’il provoque savent être tendres et émouvants, comme dans la biographie de Christiane Taubira ou mordants et décapants comme dans celle qu’il consacre à Florian Philippot, vice-président du Front National : « Votre actualité, Florian, quelle est-elle, à part de me faire passer un moment pénible ? »
On le sent tout au long des billets et Vincent Dedienne le note lui-même : « Je n’ai pas beaucoup d’admiration pour l’appareil politique ni pour celles et ceux qui le mettent en branle ». C’est la raison pour laquelle il n’hésite pas à traiter sur le mode de la dérision ceux qui se prennent parfois – souvent – très au sérieux. Il ne s’agit pas de les mépriser, ni encore d’être insultant à leur égard. La dérision est un art qui demande justesse, intelligence et érudition. Le comédien, qui « idolâtre […] les Belles Lettres, la culture et l’humour » (ce qui le distingue de nombreux autres comiques) sait pertinemment transformer ce qui relève du domaine du ludique et de la légèreté en forme subversive voire même politique. Ainsi, il opère un renversement carnavalesque : le clown n’est pas automatiquement celui qui porte un nez rouge…
Très amusantes, souvent folles parfois caustiques Les bios (très) interdites de Vincent Dedienne sont une vraie réussite. Certes, on perd à la lecture le jeu du comédien, son rythme, ses intonations, mais on trouve une écriture ciselée, « barbare et délicate » (pour citer Hervé Guibert qu’il admire), qui claque comme une tape sur la tête ou caresse comme une patte de velours (griffes plus ou moins rétractées). En distillant le faux et l’absurde dans la vie des invités du Supplément, le comédien a révélé leurs failles, mis en lumière leurs contradictions, leur poésie, leur humour et aussi – surtout – le dérisoire de tout cela… Mais ce que l’on retiendra de l’ensemble, c’est incontestablement le talent (vrai, celui-là) de Vincent Dedienne.
Arnaud Genon
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