Les Belges reconnaissants, Martine Nougué
Les Belges reconnaissants, éd. du Caïman, janvier 2015, 220 pages, 12 €
Ecrivain(s): Martine Nougué
Que se passe-t-il au juste à Castellac, ce petit village de garrigue entre Sète et Montpellier ? Ce qui s’y passe, c’est que son édile, maire depuis trois générations si l’on peut dire, a été assassiné. Un assassinat de maire, cela n’est pas si courant, même si l’on compte que les maires sont sensiblement moins nombreux dans la population que les gens « ordinaires », ceux de ce qu’on appelle curieusement la société civile. Comme tout élu, celui-ci a ses partisans. Nombreux. Car comme d’autres il a su se faire aimer et apprécier, quitte à développer quelques pratiques clientélistes, mais uniquement dans l’intérêt de la population, bien entendu. Donc, monsieur le maire, fils et petit-fils de maire, a été retrouvé occis dans la garrigue. Linge sale lavé en famille loin des regard indiscrets ? Impossible pour l’entourage de « Ludo », ses amis et sa garde rapprochée. D’ailleurs, à Castellac, il n’a que des amis. Que des amis. Sauf peut-être… l’étrangère, là, celle qui n’est pas d’ici et qui joue les écolos… Une emmerdeuse et une fouineuse… qui mériterait bien une correction (même si elle l’a déjà eue en prétendant se présenter aux municipales contre le maire, 3e du nom).
Le problème quand il y a une mort suspecte, c’est que la police arrive vite et que l’entre-soi en prend un coup. Qui plus est, la police sera noire et féminine. Décidément cette enquête pourrait se révéler un peu plus scabreuse et sensible que prévu. C’est que Pénélope Cissé, l’enquêtrice en charge du dossier et fraîchement mutée à Sète, n’est vraiment pas un officier de police ordinaire. Femme originaire du Sénégal, ses façons de faire ont abouti à une mutation (le vocabulaire officiel pour mise à l’écart, voire pour sanction) sur la ville de Sète. Inutile de préciser qu’elle va dénoter dans ce village de chasseurs et de vignerons, d’autant plus qu’elle n’aura ni considération ni ménagement pour les notables en place, pas plus que pour la paix des familles, non plus que pour les silences qui s’imposeraient.
L’enquête devra remonter aux temps troublés de la deuxième guerre mondiale, ces jours un peu moins sombres sur les bords de la méditerranée que dans le « plat pays ». Le village avait en effet alors accueilli des belges poussés vers la méditerranée par le conflit mondial, des belges qui avaient aussi eu le tort d’être juifs en des temps où cela était pour certains un crime autorisant des crimes bien plus terribles. Mais il n’étaient pas que cela, belges et juifs, et il n’est peut-être pas si sûr que tout ce soit si bien passé, même si par la suite les belges reconnaissants ont fait ériger un monument en hommage au village et à ceux qui les avaient accueillis…
Ce premier roman de Martine Nougué, qui vit dans le village qui lui a inspiré très librement cette fiction policière, se nourrit d’histoire et de « folklore » local. L’autrice y campe quelques beaux personnages dans une intrigue efficace et rondement menée. Des personnages que l’on retrouverait volontiers dans un prochain récit, tel l’attachant Luigi, bibliophile, libraire, italien et gourmand, qui tient boutique dans les rues étroites et pentues de la vieille ville de Sète. On ne sait si Pénélope, qui n’a rien à voir avec celle d’Ulysse – loin s’en faut ! – repartira vers la métropole ou continuera de faire la loi du coté de Sète. Quand à Ludo, le maire fils et petit-fils de maire, il se pourrait bien que tout le monde ne le regrette pas…
Marc Ossorguine
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