Lents ressacs, Myette Ronday (par Didier Ayres)
Lents ressacs, Myette Ronday, Les éditions Sans Escale, février 2024, 90 pages, 15 €
Expression du temps
Dans ce recueil de Myette Ronday, dont la couverture, sans doute une des encres de Jean-Pierre Otte, mouvement peint qui signifie peut-être une plage pleine d’un varech vert de gris tout autant que des larmes sur un visage, un écoulement de glace sur une vitre, et nous sommes auprès de l’océan. C’est l’expression du temps qui est la plus saillante, temps des marées hautes ou basses, temps qui passe sur les visages, lutte peut-être contre ce dernier qui nous entraîne vers la pierre et la poussière. Ici, le vieillissement existe comme un travail de l’ici et du maintenant. Cette vision presque comptable des âges de la vie, déictique conçu non comme une limite, mais un point de départ du poème, ne le restreint pas, mais au contraire le poursuit. Ce surgissement augmente les possibles et autorise une fructification, sorte de vigne en travail. Le poème élargit le regard, l’augmente d’événements petits ou grands, telle une montée des eaux océaniques qui cache différentes couleurs, varech, sable, miroitement des ciels.
On s’apaise en apparence,
et en profondeur, dans une résonnance,
le rythme de sa vie, de toute sa vie,
retrouve la cadence d’un prodige ordinaire.
Pas un oiseau ne piaille.
ou
UNE PARTIE DE NOUS est déjà en chemin,
envisageant l’aventure
comme une coupure dans la vie.
Le besoin de prendre le maquis,
de disparaître pour un temps,
quitter le monde connu et
être à la fois plus proche
des lieux, des éléments et de soi.
Cependant le temps reste linéaire : le passé précède le présent, qui, lui, se poursuit vers le futur, tout cela s’absorbant dans l’œuvre poétique. Le temps s’enfonce. Il est la translation de l’âge physique de chacun et de tous, puisque l’être humain est vivant uniquement aujourd’hui, et ne peut que spéculer sur le passé ou l’avenir. Le temps pèse, s’appuie sur le langage poétique. Il est mémoire. Il est bizarrement immobilité – même s’il regarde le jeu des marées, des équinoxes et des influences de la lune. L’avenir ainsi, rapproche évidemment de la mort. C’est tremblement qu’est le poème.
LORSQUE LE VENT ravit
jusqu’à nos moindres pensées,
en un instant fulgurant,
il n’y a plus de passé,
seulement une illusion de promesses
non tenues et un avenir incertain
dans l’unique plénitude du temps.
Tout est affaire de se rendre au rendez-vous de la poésie, tout est cadence, danse, rythme, quelque chose de métronomique, balancement, aller et retour régulier, et le poème chante presque. Musique donc, transport immatériel, philosophie du silence et du cri. Vie et mort du poème.
Didier Ayres
- Vu: 1312