Le Val sans Retour, Éric Costan (par Parme Ceriset)
Le Val sans Retour, Éric Costan, Éditions Douro, mars 2021, 139 pages, 16 €
La poésie d’Éric Costan, dans ce recueil merveilleusement accompagné de dessins d’Armelle Le Golvan, nous immerge dans un univers mystérieux composé de tout ce qui ne tombe pas sous le sens. Les métaphores sont percutantes et inattendues, très visuelles ; elles plantent, dans l’esprit du lecteur, une scène, un décor déconcertants, installant petit à petit une atmosphère brumeuse et végétale, un monde de silence, de fantômes et de feux-follets.
Les mots sont forts, oppressants quelquefois : « Imagine un matin / le cœur enserré dans un poing / la rivière nous a quittés / Avec les enfants trop grands / l’amour s’est envolé / définitivement ».
Les éléments naturels et une réalité presque douloureuse s’impriment au cœur-même des organes :
« Il y a le ciel / les abysses / et je ne sais voler / Alors l’étoile est / au fond de mes yeux ».
« J’avançais dans l’allée /Tout (…) chantait / Les beaux jours / Soudain un froissement / La croix / ma vieille douleur / entaille mon cœur ».
« Il pleut / Dans ma poitrine / l’arbre tombé s’est couché sans dégât ».
Le rapport à l’Autre est intéressant et ici encore tout en contrastes, mélange savoureux de souffrance et de joie :
« Ton souffle souvent incendie la douceur du foyer ».
« J’ai ta trace comme celle de l’oreiller sur tout le corps ».
Le dialogue qui se dessine entre les lignes est puissant :
« Tu me prends pour un fou et pourtant tu as vu / J’ai la force de la crue
/ et d’une saison de saumons et de pierres ravalées ».
Le salut du poète réside, semble-t-il, dans la contemplation du réel et de la beauté inhérente au monde :
« Enroule autour de ton âme / un rocher / un chien heureux / et le bleu du littoral ».
« La brume a mangé mon désir / les deux notes du matin / mésange et myosotis / diffusent d’essentiels soleils ».
Éric Costan formule alors un vœu : « Peut-être / pourraient partir les peines / feux follets / finies à jamais ».
Mais il sait que ce rêve est hors d’atteinte et, comme disait René Char : « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil ».
Ainsi, lucide est le poète, et il a conscience que c’est peut-être le prix à payer pour ceux, qui, à l’instar de Rimbaud, travaillent à se rendre « voyant » (expression employée par Rimbaud dans sa lettre à Paul Demeny).
Aussi, l’auteur du Val sans Retour se sait « de l’autre rive » :
« Tout le monde / au-delà de l’eau / (…) passe / comme si je n’existais pas / Je ne dois pas me plaindre / je suis de l’autre rive ».
Parfois, un certain désespoir est palpable :
« Un jour / il n’y aura plus de printemps / L’amour, la poésie, adieu / Seulement survivre / Si cela t’intéresse encore ».
« Je me tiens déçu / attentif sous la pluie / Il paraît que l’âme peut être immense / je la crois élastique nuage ».
Mais la lumière n’est jamais loin et c’est dans l’amour qu’elle puise sa sève : « Tu es mon amour et tous mes poèmes sont à toi ».
En conclusion : un voyage hors norme, passionnant, bouleversant. On ne revient pas indemne du Val sans Retour.
Parme Ceriset
Né en en 1969 en Auvergne, Éric Costan est enseignant et journaliste spécialisé dans le végétal. Le Val sans Retour est son second recueil de poésie, après Lorsque la seule réponse est demain (éditions de la Centaurée).
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