Le tour du monde en poésie (Anthologie), Marianne et Stéphane Chomienne
Le tour du monde en poésie (Anthologie), Marianne et Stéphane Chomienne, novembre 2015, 192 pages, 4,60 €
Edition: Folio (Gallimard)
Alléché par le titre de cette petite anthologie, on l’ouvre en s’attendant à voyager à dos de vers multiformes en provenance de pays plus ou moins lointains et ainsi connaître l’ultime dépaysement littéraire. Las ! Que ce titre est trompeur : en fait de Tour du monde en poésie, on a affaire à une anthologie de poèmes francophones (la petite poignée de poèmes provenant d’Extrême-Orient ou d’ailleurs ne compte pas, ou si peu) qui évoquent le voyage ou des lieux divers, fantasmés ou non.
Du coup, on se dit que cette anthologie aurait pu aussi bien s’intituler Voyage en Poésie ou Poésie des lieux, ç’aurait été moins trompeur. Mais bon, puisqu’elle s’intitule Le tour du monde en poésie, prenons-la pour ce qu’elle est, avec son contenu. A ceci que, re-las ! le contenu est un grand fourre-tout dont aucune cohérence ne ressort. Ainsi, la première partie, intitulée Départs, s’ouvre sur L’Invitation au Voyage de Baudelaire, puis on passe à la Ballade de Claudel, puis deux haïkai, puis Les Conquérants de José Maria de Heredia, puis… La Tortue et les Deux Canards de Jean de la Fontaine ;
pris séparément, chacun de ces poèmes a amplement sa place dans une anthologie à destination scolaire, mais mis ensemble… Thématiquement, stylistiquement, ils n’ont rien à voir les uns avec les autres. Même l’ordre chronologique n’est pas respecté dans cette sélection ! Quant aux notices de présentation des auteurs, on les découvre quasi par hasard en fin de volume…
Autre exemple, plus loin : on a droit à successivement Lenau, un poète autrichien du XIXe siècle (mais pourquoi lui plutôt qu’un autre ?…), suivi de Georges Limbour, un poète contemporain, suivi de Paul Morand, suivi de Musset… N’en jetez plus, et on pourrait continuer à égrener comme ça cette anthologie qui mélange tout sans rime ni raison – c’est le cas de le dire. Les formes se téléscopent, les styles sont juxtaposés sans que rien surgisse de cette juxtaposition… Et rien n’est expliqué, tout est indifférencié, tout se vaut, tant un poème sur l’Allemagne visitée par Apollinaire qu’un autre sur un paysage fantasmé par Rimbaud – le tout à quatre pages de distance…
De ce désordre, un semblant de justification serait attendu dans le dossier accompagnant ces poèmes ; re-re-las ! rien de tout cela. Les auteurs, Marianne et Stéphane Chomienne, auraient pu tirer du sens de leur anthologie, mais non : il est question de poésie du paysage, de la ville et sa multitude ou desmarines : un genre pictural et poétique, sans que des renvois systématiques et clairs soient faits aux poèmes compilés. A la limite, on en vient à se dire qu’il aurait mieux valu tout simplement répartir les poèmes selon les catégories énoncées dans le dossier, ç’aurait été plus clair et, au moins, ç’aurait eu du sens. Quant à dire un mot sur la diversité stylistique rencontrée, cela ne semble pas même effleurer l’esprit des anthologistes. Et tant pis pour le lecteur voulant aborder la poésie par ici, il n’avait qu’à se renseigner au préalable – ce qui est quand même regrettable pour une anthologie publiée dans une collection dont la visée pédagogique est bien connue.
On veillera donc à oublier ce Tour du monde en poésie au plus vite, quitte à entreprendre ses propres voyages…
Didier Smal
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