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Le théâtre est dans le pré (1) (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest le 02.09.20 dans La Une CED, Les Chroniques

Le théâtre est dans le pré (1) (par Marie du Crest)


Le monde du théâtre, celui du spectacle vivant, a disparu soudainement de nos vies en mars dernier : les représentations ont été annulées, les salles ont été désertées, les festivals ont renoncé à l’été. Aujourd’hui encore, le théâtre vit une forme de quarantaine. Pourtant il faut recommencer à vivre, à jouer, à écouter.

Le Collectif Le Lieu-Dit, autour de Philippe Labaume (auteur, metteur en scène et codirecteur du théâtre du Verseau à Lyon), installé dans la campagne du Beaujolais vert, à Claveisolles, a décidé de réinventer le spectacle, loin de la ville, face à un paysage de collines boisées, de petites routes qui serpentent, créant en quelque sorte une saison estivale (en juillet-août) autour de formes diverses : lecture collective du public et de l’auteur Samuel Gallet ; adaptation ; cirque ; musique…

Un pré planté d’un beau marronnier comme plateau. La salle comme un grand jardin avec ses chaises en métal, ses transats, ses fauteuils dépareillés et ses bottes de foin. Le vent et les nuages sans machinerie. Et le public des alentours et d’ailleurs pour Dix dans le pré, souvenir ironique d’un protocole sanitaire.

Au commencement, une « forme courte » à partir du très beau texte d’Anne Dufourmantelle, paru en 2013, chez Payot, Puissance de la douceur. Texte dans lequel l’autrice réinterroge le mot douceur, englué dans une sorte de mièvrerie inopérante et montrant au contraire toute sa dynamique vitale. La comédienne Leïla Brahimi dit, respire, chante, fredonne au micro, et au pupitre, ce montage (coupures, réécriture) qui devient à sa manière un poème en prose.

Un banc en bois avec son vieil électrophone, un masque de renard, un vieux tapis rouge et des ailes blanches d’un ange disparu, pendues par des épingles à linge tel un vêtement oublié. Il suffit de peu pour faire théâtre : un texte, une voix, un lieu.

Le vieux vinyle Decca en ouverture musicale grésille, et la voix de Kathleen Ferrier, interprétant un Lied de Robert Schumann, est comme une porte ouverte vers la douceur dont parle le texte :

Dessous est la douceur, tapie. Sous chaque chose regardée, juste la ligne en-dessous, c’est là, sous chaque chose touchée, chaque mot prononcé, chaque geste commencé, comme la ligne mélodique qui accompagne une ligne chantée.

Chercher encore à dire, à approcher en anaphore, cette douceur que notre monde considère trop souvent avec mépris. La douceur de la musique mystérieuse entendue par un soldat italien de la Première Guerre mondiale ; la même entendue par son ennemi, allemand, et qui les sauvera en somme, tous deux. Raconter aussi comment deux personnages de Tolstoï : un maître et son domestique, perdus dans le froid après un accident, la rencontrent à leur manière.

La montrer aussi dans le mouvement aérien d’une balançoire, dans des bulles de savon emportées par le vent d’un dimanche après-midi et revenir enfin à une chanson de Brian Eno, By the river, et à son fredonnement. Le pré est tout entier douceur. Et le théâtre avec lui.

Puissance de la douceur a fait l’objet d’une recension de Pierrette Epsztein en 2013 dans La Cause littéraire.



Marie Du Crest

 


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A propos du rédacteur

Marie du Crest

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Rédactrice

Théâtre

Marie Du Crest  Agrégée de lettres modernes et diplômée  en Philosophie. A publié dans les revues Infusion et Dissonances des textes de poésie en prose. Un de ses récits a été retenu chez un éditeur belge. Chroniqueuse littéraire ( romans) pour le magazine culturel  Zibeline dans lé région sud. Aime lire, voir le Théâtre contemporain et en parler pour La Cause Littéraire.