Le thé des trois vieilles dames, Friedrich Glauser
Le thé des trois vieilles dames, octobre 2012, 256 pages
Ecrivain(s): Friedrich Glauser Edition: Zoe
A Genève, dans les années vingt, un homme est retrouvé mort, Place du Molard, dans un parc public ; l’autopsie révèle qu’il a été empoisonné. A l’autre bout de la ville, le cadavre d’un pharmacien, trafiquant de drogue à ses heures perdues, est découvert. L’empoisonnement est diagnostiqué également. Un professeur, morphinomane, du nom de Louis Dominicé, les connaît tous les deux. Cet homme s’est occupé naguère de sciences occultes. Pour corser l’énigme il a été trouvé chez le pharmacien une description d’une recette de pommade de sorcières, ainsi qu’une médaille indiquant la présence à Genève d’une secte gnostique. L’un des personnages établit une liaison entre la secte et l’empoisonnement : « Les maladies mentales sont un empoisonnement doublé d’une possession. Telle est, vous le savez, la théorie du professeur. Eh bien, vous avez les poisons et vous avez la secte ».
On le voit, l’intrigue choisie par Friedrich Glauser emporte le lecteur vers des mondes divers : c’est l’occasion pour ce dernier, de décrire la Genève des années vingt, truffée d’espions de toutes nationalités. On y repère Natacha, jeune russe amoureuse de Wladimir Rosenstock, espion soviétique. Baranoff, membre de la troisième Internationale, est au service de la cause révolutionnaire bolchévique.
Les citoyens de sa Gracieuse Majesté ne sont pas en reste ; en effet, le premier cadavre découvert dans le parc n’est autre que Walter Crawley, secrétaire de Sir Eric Bose, diplomate. Dans l’entourage du commissaire Pillevuit, chargé de l’enquête, un certain Cyril Simpson O ’Key, journaliste et agent de renseignement pour l’Intelligence Service, s’interroge sur les causes de la mort de son compatriote.
Beaucoup de pistes sont empruntées pour garder intacte la curiosité du lecteur : celle de la puissance des idéologies révolutionnaires, que portent Natacha, Baranoff et Wladimir Rosenstock, celles des sociétés secrètes gnostiques, peut-être impliquées dans ces événements, celles des grandes sociétés anglo-saxonnes pétrolières, dont l’essor date précisément des années vingt… Ou encore celle de la drogue, dont le rôle est souligné dans le roman, par la dépendance de certains personnages à la morphine et par la description des symptômes de cette dépendance. Faut-il y voir un élément autobiographique ? Très probablement car Friedrich Glauser était morphinomane.
Le roman est construit par éclairages successifs portant sur les personnages, dont le rôle se précise par l’adjonction de divers détails portant sur leurs biographies et antécédents. Les descriptions des différents milieux sont empreintes d’ironie, d’un humour en demi-teinte ; tout cela nous convainc de l’intérêt de ce roman, par ailleurs captivant.
Stéphane Bret
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