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Le testament de Dina, Herbjørg Wassmo (par Zoé Tisset)

Ecrit par Zoe Tisset 26.10.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman

Le testament de Dina, Editions Gaïa, septembre 2018, trad. norvégien Loup-Maëlle Besançon, 552 pages, 24 €

Ecrivain(s): Herbjørg Wassmo

Le testament de Dina, Herbjørg Wassmo (par Zoé Tisset)

 

Ce livre vous tient en haleine, il égaie la journée du lecteur car il sait qu’il a rendez-vous le soir avec Karna, jeune fille fragile dont la parole ou plutôt le silence et le corps sont devenus, pour une seule cérémonie, les lignes du testament de Dina sa grand-mère. Pour Karna alors, le monde de la réalité et celui onirique d’une grand-mère aventurière et féministe avant l’heure se sont confondus.

« Comment Johan, un adulte, un pasteur, avait-il pu ainsi exposer une enfant en lui demandant de confesser à l’église les crimes de sa grand-mère ? Ne comprenait-il pas qu’il y avait des limites à ce qu’une jeune personne était en mesure de supporter ? ».

Le lecteur est rapidement happé par l’histoire de cette famille aux prises avec la folie et la passion. Nous sommes dans une tragédie et chaque personnage est ancré dans une réalité qui le dépasse. Benjamin, le père de Karna, mais aussi le mari d’Anna qu’il a trahi mais qu’il aime, ne sait plus comment « réparer sa faute ».

« Il frappa si fort des deux mains sur la table que le vase vide trembla. Elle s’empressa de le prendre et de l’enfermer dans le buffet. Elle resta devant celui-ci, dos à Benjamin. Il s’avança vers elle. Pardonne-moi, Anna ».

Karna va être internée dans un asile d’aliénés. Est-elle folle ou est-ce la lucidité qui fait qu’elle s’est retirée du monde réel ? « Moi non plus, je ne crois pas qu’elle soit folle. Mais elle ne veut plus être de ce monde. Elle nous a tous percé à jour, murmura-t-elle ». A l’asile il y a ce médecin « moderne » : Joakim, il s’attache au mystère de Karna comme à l’ombre d’une conscience éperdue. Il s’éprend d’Anna tout en respectant son mari Benjamin toujours amoureux d’Anna. Tous sont coupables et responsables de Karna, sauf peut-être Peder, le jeune amoureux de Karna, vierge de toute action malfaisante, sinon celle de n’avoir pas assez combattu ce frère qui battait femmes et enfants.

« Il fallait bien se rendre à l’évidence. Wilfred Olaisen avait battu comme plâtre sa femme enceinte (…) L’histoire était sur toutes les lèvres. Et puis, finalement, contre toute attente, il échappa à la prison ».

Tout au long du livre, nous assistons au calvaire et à la souffrance de Karna internée dans un asile d’aliénés comme il en existait tant au XIXème siècle.

« Mais ils ne nettoyèrent pas la camisole. Ils ne lui avaient pas retirée. Elle sentait le vomi. Ils l’assirent sur la chaise pourvue d’un trou dans le siège. Elle était une poupée de chiffons qu’il fallait attacher pour pas qu’elle ne tombe ».

Il y a aussi la bonne société norvégienne incarnée par les parents et surtout la mère d’Anna qui refuse qu’une femme soit autre chose qu’une protubérance d’un mari qu’il faut pour rien au monde quitter et encore moins trahir… C’est donc une histoire humaine trop humaine que nous raconte là Wassmo.

 

Zoé Tisset

 


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A propos de l'écrivain

Herbjørg Wassmo

 

Herbjørg Wassmo, née en Norvège en 1942, vit à Hinnøya, une petite île située au nord du Cercle polaire. Cette ancienne institutrice se consacre à la littérature depuis plus de vingt ans. Son œuvre, Le Livre de Dina, a été portée à l’écran par le réalisateur Ole Bornedal, avec dans les rôles principaux Maria Bonnevie, Pernilla August, Gérard Depardieu. Auteur d’une œuvre considérable, elle écrit pour les enfants, le théâtre, la poésie, le roman… Traduite en de nombreuses langues, Herbjørg Wassmo possède un talent exceptionnel de conteuse et son attention portée aux personnes les plus fragiles et vulnérables lui confèrent une grande notoriété en Norvège et à l’étranger.

 

 

A propos du rédacteur

Zoe Tisset

Rédactrice régulière.