Le sein dans tous ses états, Apollo Parnassius (photographies), Philippe Pelletier (textes)
Le sein dans tous ses états, Apollo Parnassius (photographies), Philippe Pelletier (textes), Éditions du Petit Véhicule (20 rue du Coudray, 44000 Nantes, www.lepetitvehicule.com), coll. La Galerie de l’Or du Temps n°59, septembre 2016
Apollo Parnassius, médecin avançant masqué, écrit : « Organe nécessaire à la croissance des petits humains avant l’arrivée des laits en poudre, le sein a délaissé sa fonction nourricière pour n’être plus, au fil du temps, qu’un des symboles de la féminité, objet de désir et de plaisir. Menu ou opulent, léger, voire inapparent, ou encombrant au point de provoquer des souffrances dorsales et une attitude voutée, sa présence demeure étonnamment irrésistible. […] Le sein, au XXIe siècle, tient une place considérable dans notre univers. Il suffit de descendre dans la rue pour recevoir nombre de messages érotiques représentant des jeunes femmes dénudées dont le galbe du sein est souligné par un soutien-gorge élégant. Ces derniers, d’ailleurs, selon la mode, augmentent le volume de la poitrine ou rapprochent les seins afin de dégager un sillon attirant le regard. Le monde de la lingerie est florissant et tend à masquer les éventuels défauts de seins jugés trop menus ou tombants. […] Les chirurgiens esthétiques ont vite compris la manne qui se présentait à eux en confectionnant des seins à la carte, parfois au détriment de la santé des femmes ».
Non, un sein avec des imperfections n’est pas laid. Non, une femme avec des seins normativement imparfaits ou abîmés peut s’épanouir de toute sa féminité, et déployer en elle, hors d’elle, cette beauté par quoi l’instant peut se dire – nous dire – avec magnificence.
Car les imperfections sont légion, et sont même le propre de la nature (ainsi, rien de plus a-normal que la beauté normative). « Le sein, plaqué contre la partie antérieure du thorax, à portée de main, est un organe extrêmement fragile. Le stress, les hormones, un environnement [contraignant] et une nourriture malsaine sont des perturbateurs endocriniens aux conséquences fâcheuses. Les cancers du sein prolifèrent, ce qui conduit à une surveillance parfois excessive et obsédante. Les mammographies et échographies se succèdent au point d’être répétées tous les deux ans, voire plus en cas de micro calcifications. L’objet de désir devient alors source d’inquiétude et d’angoisse. Aux mutilations succèdent des reconstructions mammaires, souvent très douloureuses ».
En faisant s’étreindre délicats poèmes (comme des effleurements) et photographies (qui ne sont ni des photos d’art ni des clichés médicaux) de seins de jeune fille, de femme mûre ou vieillissante, de femme bien portante, photographies de sein reconstruit par mesure esthétique ou à la suite d’une ablation totale, de sein atypique, de sein blessé, de sein porteur d’une maladie particulière, de sein d’anorexique ou d’obèse, tombant ou vigoureux, Le sein dans tous ses états nous rappelle combien une femme belle est d’abord une femme qui « s’assume » : qui écoute avec bienveillance, sans la juger, cette beauté qui est en elle, et qui, dans la façon qu’elle a de moduler cette écoute, laisse tomber, une à une, ses gênes, comme s’il s’agissait de vêtements lourds et informes, se mettant, peu à peu, instant après instant, à resplendir suivant toute la mesure sans mesure de son unicité.
Don de la présence fait au présent. À cet absolu.
Matthieu Gosztola
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