Le sable de la terre, Ismaël Savadogo
Le sable de la terre, éd. Lavoir Saint-Martin, 2015, 39 pages, 10 €
Ecrivain(s): Ismaël Savadogo
Le recueil Le sable de la terre commence ainsi (p.7) :
« Marcher en plein soleil
par un jour non élucidé,
marcherons-nous encore
même si nous sommes parvenus
à un arbre ?
la réponse à cette question
est de ne pas s’arrêter :
on ne devrait pas pouvoir trouver
mais juste poursuivre ».
Le ton du recueil est donné d’emblée par ce « Marcher » impératif qui ouvre le poème, et par ces vers libres, courts, enjambants, parfois décrochés à droite, qui le constituent et le caractérisent. Le marcheur qui s’interroge est un « nous », un « on », un « je », ou un « tu » – pronoms déclinant la solitude d’un être plus ou moins en retrait du monde mais qui y cherche obstinément son chemin. La solitude est dans les premiers poèmes endeuillée, peuplée de morts, avec des trous que l’on creuse, des chutes et des mouvements de descente vers le noir, sans que jamais disparaisse la volonté de chercher « jusque dans quel puits / le jour va prendre son éclat » (p.19).
Ici et là, et peu à peu, s’effectuent des remontées (p.26) :
(…)
« Avec un peu d’effort
revenons gravir le mont
après avoir creusé partout
pour chercher maintenant
à agripper le ciel ».
Le poète accomplit ainsi une suite de mouvements vers le haut et vers le bas, entre transcendance et immanence, tantôt en suspension au-dessus du monde, aligné sur les nuages, « tel un écumeur du monde » (p.35), et tantôt tout en bas, dans l’obscur, dans le sable et dans les terres sèches, car « la route qui descend / n’en est pas moins une route / qui cherche quelque chose » (p.22). On note parallèlement une oscillation temporelle entre un passé douloureux, constitué de morts, et un futur énigmatique mais non dénué de promesse. On se demande alors, à la faveur d’une parenté sonore, si le poète n’attend pas implicitement que du « sable de la terre » où se creusent les tombes surgisse une parole poétique qui serait « le sel de la terre ».
Et l’on est pris du désir d’accueillir cette poésie attentive, patiente, modeste, ascétique, et discrètement spiritualiste.
Nathalie de Courson
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