Le rêve du jaguar, Miguel Bonnefoy (par Philippe Leuckx)

Le Venezuela, pays, est bruissant derrière tous les feux familiaux, autant de repères dans cette généalogie hors norme de personnages qui vibrent à l’humain et qui ont décidé d’offrir leur vie aux autres. Dans son grand âge, Antonio Borjas voudra donner à sa région une université sur le site même d’un aéroport dévasté.

Sous la plume d’orfèvre de Bonnefoy, qui sans cesse décrit, vibre aux événements, souligne les atmosphères, analyse les actes de ses personnages, le livre exalte les valeurs d’un pays si souvent sacrifié : la générosité de ces antihéros, la culture qu’ils revendiquent à tout bout de champ, le temps qu’ils passent pour faire de leur vie autre chose qu’un luxe éphémère et futile.

Devant eux, Antonio et Ana Maria n’osaient dire la modestie de leurs origines. Ils s’inventaient alors un passé familial plein de conquêtes et de sacrifices, de l’autre côté du pays, « après le lac » disaient-ils, en racontant que leurs pères étaient cardiologues, que leurs grands-pères l’avaient été aussi… (p.116).

Livre hommage à la lecture, à la force du réseau familial, Le rêve du jaguar, au titre assez énigmatique et que l’épilogue éclaire un peu, distille un charme où l’exotisme n’est pas la seule matière romanesque. Cela a dû intéresser vivement les jurés de l’Académie française et du Femina qui lui ont attribué cette année leur prix.

Le style, très visuel, très descriptif, plonge le lecteur dans un brouhaha de sentiments, de sensations et d’actions, qui remuent longtemps.

Un très beau livre, digne de Sucre noir qui avait déjà fait connaître son auteur.

Philippe Leuckx

Miguel Bonnefoy, né en 1986 à Paris, écrivain français et vénézuélien, pensionnaire de la Villa Médicis, est l’auteur de plusieurs livres, dont : Le voyage d’Octavio (2015), Sucre noir (2017), Héritage (2021).