Le Quartier chinois, OH Jung-hi
Le Quartier chinois, traduit du coréen par Jeong Eun-jin et Jacques Batilliot, septembre 2014, 216 p. 17,50 €
Ecrivain(s): OH Jung-hi Edition: Serge Safran éditeur
OH Jung-hi nous décrit une Corée peu familière : celle de l’après-guerre, un pays encore en proie à un conflit, celui entre le nord et le sud, l’un des épisodes marquants de la Guerre froide. Le texte se compose de trois nouvelles distinctes en apparence, mais s’attachant à décrire la difficulté de grandir et de vivre.
Dans la première nouvelle intitulée Le Quartier chinois, une fillette de neuf ans quitte la campagne pour une ville portuaire. Le nom de quartier chinois est assimilé à un repère géographique : il est près du port. C’est aussi un lieu de perdition, de débauche. Evoquant la présence de Chinois, la petite fille les décrit ainsi :
« Pour nous, ils étaient contrebandiers opiomanes, coolies cachant de l’or sous chaque point des coutures de leurs guenilles, brigands martelant la terre gelée au galop de leurs chevaux barbares (…) Ce qui se trouvait derrière les portes fermées (…) était-ce de l’or ? de l’opium ? ou de la méfiance ? ».
Cette fillette découvre la vie, sa cruauté, sa dureté. Elle évoque les déplacements de sa mère, ses fréquentes rentrées tardives à la maison. Au moment où sa mère accouche, elle découvre ses menstruations :
« Puis je glissai la main sous mon vêtement à la rencontre de cette chaleur accablante qui m’engluait tout le corps comme une toile d’araignée, à la recherche de son origine. Mes premières règles ».
Dans la deuxième nouvelle, La Cour de l’enfance, c’est l’absence du père qui est à l’origine du traumatisme de l’enfance, et aussi la violence familiale engendrée par le frère de la narratrice, substitut haineux à l’autorité parentale. L’auteure évoque également une interrogation sur la question de savoir que faire en cas d’absence du père. Cette question est soulevée par Yôngjo, jeune enfant en proie à de douloureuses rêveries :
« Et cet enfant qui demande : qui est mon père ? (…) Quand leur père est malade, ils fabriquent un remède avec la chair qu’ils prélèvent sur leur propre cuisse ; quand le pays est en danger, ils accourent sur le champ de bataille, prêts au sacrifice ».
Dans la troisième nouvelle, Le Feu d’artifice, c’est le rapport à l’histoire qui est évoqué, le rôle des vielles croyances superstitieuses. Ebi, une sorte de croquemitaine, est évoqué par l’un des personnages. L’histoire n’est jamais bien loin, celle de la guerre de Corée, toute proche, l’envahissement du pays par les soldats chinois, et plus près de nous les années de la dictature militaire en Corée du Sud. Elle se termine sur une interrogation éternelle, exprimée par le grand-père d’un des personnages, Kwanhi :« Que peut-on faire dans un monde pareil ? (…) Mettez vos connaissances au service de causes justes ».
Le récit mêle l’histoire récente de la Corée, sa modernisation, ses vieilles croyances à travers les descriptions des vies des personnages contenues dans les trois nouvelles : ils souffrent, mûrissent, parviennent, ou non, à trouver des issues. En cela, le récit de OH-Jung-hi atteint à l’universel.
Stéphane Bret
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