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Le petit déjeuner des champions, Kurt Vonnegut

Ecrit par Léon-Marc Levy 28.06.14 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallmeister

Le petit déjeuner des champions (Breakfast of champions), Traduction (USA) Gwilym Tonnerre, avril 2014. 312 p. 10,50 €

Ecrivain(s): Kurt Vonnegut Edition: Gallmeister

Le petit déjeuner des champions, Kurt Vonnegut

 

Disons-le d’entrée, peu importe l’histoire. Il paraît qu’il y en a une ! Mais on peut parfaitement l’oublier, dans tous les cas la mettre largement de côté ! Kurt Vonnegut ici ne raconte pas d’histoire ! Il règle ses comptes, avec l’Amérique, la modernité, le « progrès » ou plutôt la folie qu’on a affublée de ce nom.

Tout y passe : la publicité en tout premier lieu, cet affichage obscène, doublement obscène parce que vendant n’importe quoi à n’importe qui mais aussi avec des arguments qui tiennent à la une forme de pornographie permanente sous couvert de « communication ». C’est de cela que Kilgore Trout est censé parler lors d’un colloque.

« Il était supposé y participer à un colloque intitulé ‘L’avenir du roman américain à l’heure de McLuhan ». Il souhaitait déclarer lors de ce colloque : « Je ne sais pas qui est McLuhan mais je sais ce que c’est de passer la nuit avec une foule de vieux sagouins dans un cinéma new yorkais. Et si on parlait de ça ? »

Il souhaitait également dire : « ce McLuhan, qui qu’il soit, a-t-il seulement une opinion sur le rapport entre les minous grands ouverts et le marché du livre ? »

Le titre du livre en soi est déjà une allusion ironique au vaste terrain de publicité qu’est devenu le monde. « Petit déjeuner des champions » est une marque de céréales très fameuse aux USA. Et le « préfacier » supposé, Philboyd Studge nous avertit que cette honorable société n’en est pas pour autant le sponsor du livre !

Vonnegut démolit avec une allégresse réjouissante les syntagmes d’une époque de chic et choc et de bling bling. Mais aussi, surtout, une époque absurde de violence et de domination, de guerres dévastatrices et impérialistes. Mais il le fait à sa manière unique, sans en avoir l’air, avec la légèreté de l’humour ce qui rend la croitique encore plus cinglante.

« Le Vietnam était un pays dans lequel l’Amérique essayait d’empêcher la population d’être communiste en lui larguant diverses choses de ses avions. Les produits chimiques auxquels le conducteur faisait allusion servaient à détruire tout le feuillage, afin qu’il soit plus difficile pour les communistes de se cacher des avions. »

Et la satire s’en prend aussi à la pudibonderie hypocrite tant aimée des Américains. Le sexe est partout dans les messages sociaux mais jamais avoué par le discours ambiant. Une société obscène qui exclue « l’obscénité » ou ce qu’elle prétend telle.

« On racontait parfois aux enfants qui voulaient savoir d’où venaient les bébés que c’était les cigognes qui les apportaient. Ceux qui racontaient ces histoires à leurs enfants se disaient que leurs enfants étaient trop jeunes pour penser raisonnablement aux minous grands ouverts et à toutes ces choses-là. »

Ce livre (roman vraiment ?) est une moulinette à broyer le mythe américain.

Ah ! Et ne surtout pas oublier un des délices que nous offre cette œuvre : elle est ponctuée tout au long d’une nuée de très jolis dessins de la main de Kurt Vonnegut – hilarants de naïveté et d’ironie !

Une lecture pleine de santé morale. Et d’une humanité de chaque instant qui fait les grands souffles littéraires !

Laissons Vonnegut conclure :

« C’est à cette minute-là, en 1918, que des millions et des millions d’êtres humains ont cessé de se massacrer. J’ai discuté avec des vieux qui se trouvaient sur le champ de bataille à cette minute-là. Ils m’ont dit chacun à leur manière que ce soudain silence était la voix de Dieu. Ainsi reste-t-il parmi nous des hommes qui se souviennent du moment où Dieu a parlé distinctement à l’humanité. »

 

Leon-Marc Levy

 

VL2

 

NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.

Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.

Notre cotation :

VL1 : faible Valeur Littéraire

VL2 : modeste VL

VL3 : assez haute VL

VL4 : haute VL

VL5 : très haute VL

VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)


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A propos de l'écrivain

Kurt Vonnegut

 

Kurt Vonnegut, Jr., né le 11 novembre 1922 à Indianapolis dans l'Indiana et mort le 11 avril 2007 (à 84 ans) à New York des suites d'une blessure crânienne consécutive à une chute dans sa maison à Manhattan1, est un écrivain américain. Sa ville natale venait de déclarer l'année 2007 « année Vonnegut ».

 

A propos du rédacteur

Léon-Marc Levy

 

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Directeur du Magazine

Agrégé de Lettres Modernes

Maître en philosophie

Auteur de "USA 1" aux éditions de Londres

Domaines : anglo-saxon, italien, israélien

Genres : romans, nouvelles, essais

Maisons d’édition préférées : La Pléiade Gallimard / Folio Gallimard / Le Livre de poche / Zulma / Points / Actes Sud /