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Le Paradis à reconquérir, Henry David Thoreau (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 03.07.19 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le Paradis à reconquérir, Henry David Thoreau, Le Mot et le Reste, juin 2019, 96 pages, 3 €

Le Paradis à reconquérir, Henry David Thoreau (par Didier Ayres)

 

Moderne postmodernité

C’est à une certaine expérience de lecture que nous convie ce petit livre de Thoreau que publient les éditions Le Mot et le Reste. Intéressante expérience dans la mesure où cet ouvrage nous permet d’étendre notre connaissance du philosophe et poète américain. Intéressante aussi car le livre est un texte qui sert un texte, dernier texte lui-même qui lui aussi augmente en valeur un autre livre. Ainsi, nous avons là une préface à un livre qui s’inspire de la philosophie de Charles Fourier. Cette littérature à étage nous fournit un Thoreau jeune et altier, écrivain qui pressent peut-être son utopie, et son livre Walden. Donc, j’ai vu ici une sorte de proposition visionnaire, le travail d’approche à la fois de la lecture – de ce livre de J.A. Etzler que préface Thoreau – et de l’écriture – car l’auteur américain semble essayer sa langue, chercher sa matière.

Cela dit, il faut quand même que j’en vienne au sujet propre du livre, qui est un éclairage sur des thèmes d’une contemporanéité stupéfiante. On voit le philosophe débattre des énergies renouvelables, de la protection de la nature, de l’avenir de l’homme, ou encore discuter des modes de transport, allégations qui confinent à des paramètres de la postmodernité ; ainsi on a bel et bien une lecture au carré, vision moderne d’une postmodernité qui va avoir à affronter ces questions.

Nous n’avons pas idée de ce que nous pourrions faire pour améliorer notre rapport à la nature inanimée ; de quelle bonté et de quel raffinement de courtoisie il nous faudrait faire preuve.

Il y a certaines activités qui, sans être totalement poétiques et justes, proposent au moins une relation plus belle et plus noble avec la nature que celle que nous connaissons.

De plus, au regard de l’intelligence du poète de la nature, qui en un sens rappelle le philosophe français Alain, pensée pleine et positive, on voit que la relation à la nature est sujette à une sorte d’urgence – urgence qui se prête bien à notre siècle d’aujourd’hui, tétanisé par des phénomènes résumés par le concept d’anthropocène. Et que l’homme soit, à l’image de Hobbes, un loup pour son espèce, l’homme que détoure cette préface reste un homme de grande conscience et de grande lucidité.

Le jour viendra où la volonté de l’homme régira les lois du monde physique ; l’homme ne sera plus contraint par diverses abstractions : temps et espace, hauteur et profondeur, poids et dureté. Il sera en vérité le seigneur de la création.

L’homme peut se charger d’une idée de lui-même plus haute, s’augmenter en conscience par une participation pacifique à l’exploitation de la nature. On voit bien le discernement, l’acuité nécessaire à l’espèce humaine de tous les temps, à l’homme universel, capable de permettre l’émergence d’un monde meilleur pour une humanité meilleure, préoccupée seulement de la culture de son intelligence et de son âme. Je ne résiste pas à citer les presque derniers propos du livre, qui ouvrent la discussion de ce qui sera sans doute l’idée maîtresse, cette foi en l’être humain, de la philosophie de Thoreau.

La lumière est l’ombre de l’éclat divin qui est la lumière des lumières […] et, pourrions-nous ajouter, la chaleur des chaleurs. L’amour, c’est le vent, les marées, les vagues, la lumière du soleil. Sa force est incalculable ; elle est celle d’une multitude de chevaux. Elle ne s’arrête jamais ; elle ne ralentit jamais ; elle peut déplacer le monde sans se reposer ; réchauffer sans feu, nourrir sans viande, vêtir sans vêtements, abriter sans toit ; elle peut créer un paradis intérieur qui permettra de se passer d’un paradis extérieur.

 

Didier Ayres

 

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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.