Le neveu d’Amérique, Luis Sepúlveda
Le neveu d’Amérique, traduit de l’espagnol (Chili) par François Gaudry, 174 pages, 9 €
Ecrivain(s): Luis Sepulveda Edition: Métailié
Des notes disséminées, prises au cours d’un voyage, un très long voyage étalé sur des années, voyage intérieur autant que de kms parcourus, qui mena l’auteur d’une des plus infâmes prisons de la dictature chilienne, celle de Temuco, où il passera deux années et demi de sa jeunesse, jusqu’à Martos en Andalousie, village natal de son grand-père anarchiste, exilé lui aussi, afin de tenir une promesse faite à ce dernier. Pour cela, il lui faudra errer à travers une bonne partie de l’Amérique du sud pendant très longtemps. Errance épique avec le poids de cette interdiction de quitter le continent, le poids d’une seule stupide et incompréhensible lettre qui marque son passeport.
Une vieille chanson chilienne dit : « Le chemin a deux bouts et aux deux quelqu’un m’attend ». L’ennui c’est que ces deux bouts ne limitent pas un chemin rectiligne, mais tout en courbes, lacets, ornières et détours, qui ne conduisent nulle part.
Morceaux d’errance qui rassemblés sur le papier deviennent un récit d’aventures. Sepúlveda est un conteur magnifique qui sait aller au cœur du lecteur, il a ce talent de raconter les paysages et les humains avec autant d’humour que d’amour. Et sur sa route, nombreuses ont été les rencontres fortes, de celles qui ne s’oublient pas et qui lui ont appris l’humanité, celle des autres et la sienne.
La Patagonie, région où à partir de 1976 la dictature a commencé à reléguer les prisonniers politiques tient une place très particulière dans le cœur de Luis Sepúlveda. Il finira par y retourner avec bonheur plus tard, sur les traces de Butch Cassidy et Sundance Kid, en hommage aussi à Bruce Chatwin qui a tiré son chapeau avant qu’ils ne puissent faire ce voyage ensemble, comme ils l’avaient imaginé dans un bar de Barcelone, vu que cela a pris de très nombreuses années avant que Sepúlveda obtienne le droit de revenir au Chili.
En Patagonie, pays des extrêmes, tout le monde semble avoir un talent de conteur, qui se révèle entre autre dans un étonnant concours de mensonges.
Sur cette terre nous mentons pour être heureux. Mais personne ici ne confond mensonge et duperie.
Des rencontres et des amitiés qui donnent la force d’avancer et de préserver envers et contre tout la dignité. Des notes Pour arrêter les eaux de l’oubli, titre d’un livre de Taibo I, et qui ont voyagé avec l’auteur pendant très longtemps avant de devenir pour le lecteur un cadeau inestimable.
Cathy Garcia
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