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Le Mystère des Nombres, Marcus du Sautoy (2ème article)

Ecrit par Didier Smal 04.01.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Essais

Le Mystère des Nombres, trad. de l’anglais par Hélène Borraz, 432 pages, 8 €

Ecrivain(s): Marcus du Sautoy Edition: Folio (Gallimard)

Le Mystère des Nombres, Marcus du Sautoy (2ème article)

 

Alors comme ça, on n’aime pas les mathématiques ? On les trouve rébarbatives ? On fait partie de ceux qui proclament n’y avoir jamais rien compris ? Avoir toujours ressenti ce cours comme une torture ? On se dit littéraire, et rien que ça, parce que les deux, c’est impossible ? Bon, et bien, il reste une seule solution : lire Le Mystère des Nombres, sous-titré Odyssée Mathématique à travers notre Quotidien, de Marcus du Sautoy (1965), un Anglais persuadé que la passion des chiffres peut se transmettre, façon virus – et étant donné que cette certitude est partagée, allons-y.

Autant l’annoncer d’emblée : non, ce livre ne parcourt pas les mathématiques de façon exclusivement ludique et intelligente (pour ça, voir l’excellent roman de Denis Guedj, Le Théorème du Perroquet) ; oui, quelques prérequis sont nécessaires ; oui aussi, il y a des pages où Marcus du Sautoy perd de vue le lecteur lambda pour se lancer dans des séries de démonstrations qui courent sur parfois deux ou trois pages et où l’on sent bien qu’il essaie de communiquer avec les humains normalement constitués mais n’a pas pu s’empêcher de sélectionner dans le lectorat les petits malins qui avaient maths fortes il y a vingt ans ou plus…

Ce léger bémol mis à part, on prend beaucoup de plaisir à la lecture de cet essai qui a comme vertu principale de rafraîchir les neurones : et hops ! un petit coup avec les solides de Platon ! et zou ! un détour par Euclide ! et vlan ! un rappel de la constante de Planck ! Et le tout avec humour ; à propos de cette dernière constante : « selon les physiciens, il est impossible de mesurer une distance plus petite que 10-34 m sans créer un trou noir qui avalerait l’appareil de mesure ». C’est une constante, autre que de Planck, de cet essai : on s’amuse souvent en le lisant. D’ailleurs, Du Sautoy incite souvent au jeu à l’aide de pdf à télécharger sur la page web dédiée au livre, même si un certain nombre de liens ne sont malheureusement plus d’actualité – mais on peut ainsi quand même aller jeter un œil sur les treize solides d’Archimède, et ça vaut le détour.

De manière générale, les informations contenues dans cet essai valent d’ailleurs le détour, même si on appartient à la catégorie de personnes décrites ci-dessus, les anti-matheux viscéraux. Pourquoi ? Oh, certainement pas pour se convertir sur le tard aux joies du calcul d’intégrales, mais juste parce que nous vivons dans un monde où les chiffres ont plus que souvent leur mot à dire (bien que cette expression sonne bizarrement…), et que, par exemple, même si on ne découvrira jamais un nouveau chiffre premier (mais on peut rejoindre le projet GIMPS, pour Great Internet Mersenne Prime Search, et mettre la puissance de calcul de son ordinateur au service de la recherche parmi « les nombres de Mersenne à 9,8 millions de chiffres »), on peut du moins s’intéresser à leur importance dans notre vie de tous les jours.

C’est là la grande force de l’essai de Marcus du Sautoy : il part de la vie de tous les jours pour expliquer en quoi les mathématiques y jouent un rôle – ainsi, la réflexion sur L’Etrange Affaire de la Forme Insaisissable, titre du second chapitre, débute sur… un ballon de football. Plus loin, il est question de codes, du plus basique au plus complexe – et on apprend ainsi que les codes sont présents partout, que nous en soyons conscients ou non, et que l’homme n’a eu de cesse d’en inventer afin de dissimuler mais aussi vérifier ses messages – jusqu’à Coldplay sur un de ses albums, ou, pour tous les amoureux de la chose littéraire, le célèbre ISBN. Plus loin, dans un chapitre passionnant intitulé Peut-on Prédire le Futur ?, du Sautoy revient sur le coup franc du Brésilien Carlos contre la France en 1997, et le lecteur est ébloui de toute la puissance mathématique se dissimulant derrière ce geste technique magistral. Allez, une dernière pour la route, évoquons un certain « Richard Montgomery, rendu célèbre pour avoir apporté la preuve du théorème du chat, une théorie qui explique pourquoi un chant lancé ou tombant sous n’importe quel angle retombera toujours sur ses pattes ». Si après ça vous avez toujours la vision d’un mathématicien austère, s’occupant exclusivement de choses sérieuses et absconses…

Bref, si cet essai, comme déjà indiqué, ne convertira personne aux mathématiques pures, il peut en tout cas réconcilier avec celles-ci, dans leurs aspects les plus pratiques, les récalcitrants aux chiffres sous forme autre qu’addition simplifiée, et tant pis pour quelques pages qui clairement volent à un niveau réservé aux seuls amateurs du genre : on peut apprécier Le Mystère des Nombres en admettant que, justement, certains resteront toujours un mystère aux yeux du béotien…

 

Didier Smal

 

Lire l'article d'Olivier Bleuez sur le même livre

 


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A propos de l'écrivain

Marcus du Sautoy

Marcus du Sautoy, né à Londres en 1965, est professeur de mathématiques à l'université d'Oxford.

Il a grandi à Henley-on-Thames.

Il est également l'animateur d'une émission de la BBC Four et publie des articles dans le Times, le Guardian et le Daily telegraph.

Il est amateur de musique, en particulier de piano et de trombone, qu'il lie aux mathématiques. Il a en effet publié en 2003 La Symphonie des nombres premiers(The Music of the primes) qui détaille l'histoire des mathématiques dans le domaine des nombres premiers, principalement l'hypothèse de Riemann.

A propos du rédacteur

Didier Smal

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Didier Smal, né le même jour que Billie Holiday, cinquante-huit ans plus tard. Professeur de français par mégarde, transmetteur de jouissances littéraires, et existentielles, par choix. Journaliste musical dans une autre vie, papa de trois enfants, persuadé que Le Rendez-vous des héros n'est pas une fiction, parce qu'autrement la littérature, le mot, le verbe n'aurait aucun sens. Un dernier détail : porte tatoués sur l'avant-bras droit les deux premiers mots de L'Iiade.