Le mur de l’Atlantique – Olivia Resenterra (par Philippe Chauché)
Le mur de l’Atlantique – Olivia Resenterra – 176 p. – 16,50 euros – 11/01/2023
Edition: Les éditions du Rocher
« Dans la chambre de la Nonna, plus aucune trace du grand lit en bois dans lequel je dormais avec elle, ni du crucifix garni d’un rameau d’olivier placé à sa tête, ni de la banquette d’appoint où couchait mon frère, bordé jusqu’au menton comme s’il risquait de chavirer en pleine mer. »
Le mur de l’Atlantique est un livre inspiré par les souvenirs des grands-parents, la mémoire des lieux de l’enfance, les instants de bonheur partagé, sans jamais tomber dans des niaiseries romanesques. La mémoire est toujours musicale quand elle est ainsi célébrée, quand elle s’accorde au temps retrouvé, et fait surgir des mélodies et des chansons italiennes, pour ne pas oublier d’où viennent ces hommes et ces femmes qui ont fondé une famille loin de leur terre natale, et si près de l’Atlantique.
Le mur de l’Atlantique est un roman visité par la Nonna, la grand-mère de la narratrice, dont la maison vient d’être vendue, mais qui reste pour l’instant ouverte aux derniers regards, aux vifs éclats de mémoire. De cette chambre, cette cour, ce jardin, cette laiterie, surgissent des voix, celles de la narratrice et de son frère, celle de la Nonna, des images photographiques qui elles aussi s’invitent dans le roman, le portent en un moment suspendu, des visages à jamais sauvés de l’oubli. Ce roman est aussi celui de Valentino, Monsieur Tino, son grand-père, maçon, artiste du granito, ces fragments de pierre naturelle et de marbre assemblés par du ciment, Valentino qui a transmis, sans le savoir, cet art à sa petite fille, qui en fait ici, son beau style littéraire. Elle saisit des éléments épars de son histoire familiale, de son enfance, des souvenirs, des photos, les assemble et les polit avec toute la finesse et la force de son ancêtre. Nous sommes en Charente-Maritime, la narratrice embrasse son passé, qui l’embrase, un passé devenu par le miracle du roman, un présent vivifiant. Il y a la maison sur le chemin du Péré, le petit fort Lupin, l’Île-Madame et son sanctuaire en mémoire des prêtres condamnés à la déportation en Guyane par la Terreur, et le cimetière où reposent les êtres chers que ce roman éclaire.
« Nous avons zigzagué en chantant à tue-tête sur la route étrangement convexe et trouée de touffes d’herbes qui se contorsionne entre les champs. Parfois nous nous arrêtions pour inspecter les mûriers sauvages dont les branches surchargées de fruits plongeaient la tête la première dans les fossés asséchés. »
Olivia Resenterra écrit comme elle regarde les paysages et les maisons qu’elle retrouve, comme elle feuillette l’album familial des photographies, comme elle s’immerge dans les souvenirs d’enfance, comme elle se glisse dans ses jeunes années, comme elle admire, comme elle se souvient. Elle écrit comme un aquarelliste, Paul Cézanne par exemple, avec la même finesse du trait, les mêmes mouvements où les couleurs se jouent des transparences, là une maison, ici un sous-bois, là quelques rochers, et des branches d’arbres, l’écrivain y ajoute de beaux portraits de famille, cette famille éternelle qui ressuscite dans le miroir romanesque qu’elle lui tend.
Philippe Chauché
Olivia Resenterra a publié Femmes admirables, portraits acides, son premier livre en 2012 dans la collection Perspectives critiques fondée aux Presses universitaires de France par Roland Jaccard, puis ses deux autres livres chez Serge Safran Éditeur : Le Garçon, scène de la vie provinciale, et Nécrologie du chat.
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