Le jour fait l’adieu, Zohra Mrimi (par Patrick Devaux)
Le jour fait l’adieu, mars 2019, 114 pages, 12 €
Ecrivain(s): Zohra Mrimi Edition: Z4 éditions
Chez Zohra Mrimi, la solitude se conçoit de façon artistique : « Je blanchis ma solitude comme un tableau de maître » dit-elle. Fondante sur les lèvres, suggérée aux anges, cette solitude parfaitement apprivoisée, évoquée dans des jeux d’ombre en noir et blanc, inversant d’ailleurs les couleurs dans leurs rôles « normaux », se fait davantage sentir « quand un poète s’absente ».
La poète avance avec sa déclaration d’Amour à la boutonnière, multipliant la progression émotive de ce qu’elle dit : « Je t’aime/Je double mes pas/double mes jours ».
Comme dédoublée d’une absence, l’auteur a ce recul nécessaire pour prendre conscience, se servant sans doute d’un paysage familier, que « l’Amour ne passe pas vers telle sécheresse ».
Vulnérable, la protagoniste énoncée à la troisième personne, semble être une projection de celle qui écrit, une sorte de miroir : « Elle est libre/Elle est nue/Elle est invisible aux couteaux qui la tuent/Le rythme de l’agonie est visible ».
Le texte semble circonscrire la souffrance et, de celle-ci, finit par émerger la beauté, voire la grâce : « Pour quelques vagues, la scène serait/L’échelle entre la beauté et le ciel/Entre le réel et l’échelle, le vent est prisonnier d’Eve/Tu es louve aux grands yeux verts/L’air s’empile sur tes lèvres/Derrière ton sourire, des rêves ».
Vecteur du dire : la poésie ! « La poésie/forme des ronds dans ta bouche/Et le rêve y verse d’immenses/espaces en boucles ».
Parfois, l’auteur supplie la lumière, la transcende, encourageant son thème majeur, l’Amour : « L’Amour est heureux même sur des gens malheureux. Il prend leur part de rêve ».
Les images de l’auteur s’excluent de tous les codes ordinaires, telle celle-ci : « Le vent ne crie pas. Il chuchote que les plus beaux endroits sont derrière un bruit ».
Si « les phrases courtes sont les plus lourdes », l’auteur ne les galvaude pas pour autant.
Le style emporte les idées d’une image à l’autre comme le ferait un pas de vis en continu à avaler les mots, les brasser, en sortir parfois de la ferveur, parfois de l’épouvante ; parfois les deux de concert avec cette idée d’une certaine force, sans doute, de la foi : « Il faut retourner à Dieu pour entendre la mer, pour parler à l’Amour ».
Une douce sensualité se dégage de ce récit où « la poésie s’émeut. Elle est jolie. Et évite les files d’attente ».
Il y a dans le texte une présence diffuse, un émerveillement, une rencontre passée ou à venir ; on ne sait plus distinguer le ciel, la terre. On perd ses repères. La poète est en observation sur une sorte de pause : « Je m’étais habituée à l’attente/…/Elle m’a changée en statue de bronze ».
La phrase-clef surgit sans doute en toute fin de livre : « Je t’avais dit que mourir n’était pas tout détruire ».
En effet, si « le jour fait l’adieu », l’absence s’éternise dans la lumière.
Patrick Devaux
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