Le goût de la limace, Zoé Derleyn
Le goût de la limace, éd. Quadrature, octobre 2017, 99 pages, 15 €
Ecrivain(s): Zoé Derleyn
Talentueuse nouvelliste avec, pour sa parution, une sélection en finale du Prix Rossel 2017, Zoé Derleyn s’affirme d’emblée comme auteur qualifiée.
Les nouvelles sont diverses et chacun aura sans doute sa préférée. L’ensemble est rigoureux, avec un style mature trié sur le volet, le tout s’affirmant avec force de caractère et originalité, comme : « Le souvenir du goût de la limace persistait dans sa bouche, balayait toutes les traces de la nuit précédente ».
Point commun à ces quelques nouvelles, la narration proche du souvenir, écrite et aussi bien interprétée en « Je » féminin qu’en « Je » masculin, avec une forte prédominance de souvenirs d’enfance (réels ou inventés), le tout suggérant une quasi authenticité : « La fille tousse de plus en plus. Le médecin répète qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter mais la mère ne le croit pas ».
Les évènements presque banaux sont extirpés avec doigté du quotidien pour aboutir à une chute littéraire particulièrement efficace à chaque surprise jusqu’à l’apothéose du dénouement.
On n’en croit pas ses mots d’avoir affaire à une première œuvre ; on se réjouit à l’avance de la promesse qu’une telle plume donnera dans le futur. On sent l’auteur à l’aise et peu pressée comme : « Elle n’a plus peur. Elle a tout oublié de son désir d’écrire ».
Zoé : un œil sur le souvenir de tous dans l’imaginaire de chacun, y compris dans les fantasmes les plus enfouis générant, parfois, une sorte de petite fille très mûre et qui, bien sûr, semble juger les adultes à travers aussi peut-être des tragédies personnelles.
Style rare, net et franc avec une vraie et profonde réflexion.
Certaines scènes d’enfance « subie » semblent tellement réelles qu’on espère vivement qu’il s’agit de fiction.
C’est, bien sûr, là tout le talent de l’écrivaine de nous faire douter ou non de la réalité et de l’imaginaire ; aussi de laisser le lecteur vagabonder son esprit, une fois d’éventuels tabous franchis.
Efficace aussi dans le ton pris, la chute de chaque nouvelle intrigue au bon moment, parfois à la dernière ligne, sur le fil du rasoir.
Patrick Devaux
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