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Le génocide des Arméniens, représentations, traces, mémoires (Collectif)

Ecrit par Guy Donikian 16.05.17 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Hermann

Le génocide des Arméniens, représentations, traces, mémoires, sous la direction de Jocelyne Chabot, Marie-Michèle Doucet, Sylvia Kasparian, Jean-françois Thibault, avril 2017, 230 pages, 22 €

Edition: Hermann

Le génocide des Arméniens, représentations, traces, mémoires (Collectif)

 

Le 24 avril 1915 les autorités turques d’alors ordonnent l’arrestation à Constantinople de plus de six cents intellectuels arméniens qu’on ne reverra pas : certains seront exécutés dans la campagne environnante, d’autres seront conduits plus au sud en direction de la Syrie pour y être assassinés. Ce jour marque pour tous les Arméniens de la diaspora et de l’Arménie le début des massacres que les preuves accumulées par nombre d’historiens permettront de nommer génocide. Ce sont près de un million cinq cent mille Arméniens qui périront dans des circonstances paroxystiques de violence et de haine.

En 2015 eut lieu le centième anniversaire de ce génocide qui n’est toujours pas reconnu par le gouvernement turc. Aujourd’hui, cela fait cent deux ans que les gouvernements turcs qui se sont succédé nient ce génocide, arguant du fait que ce seraient les Arméniens qui auraient attaqué la Turquie, ces derniers se seraient pour la majorité ralliés à la Russie, alors en guerre contre la Turquie.

Depuis les années soixante, et pour des raisons inhérentes aux relations internationales, de nombreux ouvrages ont vu le jour qui se sont donné comme objet d’étude ce génocide destiné à l’oubli. Ainsi les preuves historiques du génocide se sont accumulées et nombre de pays ont reconnu son indéniable existence.

Cet ouvrage ne propose pas une énième étude des faits démontrant sans faille la qualification de génocide. Ce sont plutôt les recherches les plus récentes que le livre nous soumet, recherches conduites par des chercheurs nationaux et internationaux, sur la façon dont sont vécues les mémoires relatives au génocide. Que reste-t-il dans les mémoires et les consciences aujourd’hui, comment vit-on cet « héritage », et comment se représente-t-on ces faits vieux de plus d’un siècle dans la diaspora ?

Trois chapitres structurent le livre : les représentations, les traces et les mémoires.

Pour les représentations, la chercheuse Patricia Toucas-Truyen analyse la représentation picturale que propose le peintre d’origine arménienne Patrick Toucas-Terzian. « On assiste au final à la restitution d’une sorte de mémoire fantasmée, une reconstitution mémorielle selon les termes de l’artiste. La série de l’artiste s’appelle Souvenirs d’outre mémoires, un titre qui renvoie à l’idée d’une mémoire réinventée dans la foulée de l’exhumation des racines et dans l’horizon d’une reconstruction ». L’artiste emploie des photos du génocide, dont celle de cette enfant morte, les jambes repliées, qui figure dans de nombreux ouvrages, comme pour « actualiser » la barbarie. Ainsi en est-il de cette reconstruction avec d’autres archives pour constituer ces Souvenirs d’outre mémoire.

S’agissant des Traces, le chercheur Gérald Sawicky s’est intéressé aux témoignages de Paul Cambon, ambassadeur de France à Constantinople de 1891 à 1898. Il fut le témoin des massacres de masse qui se déroulèrent de 1894 à 1896. Le chercheur nous montre ici la façon dont le diplomate a utilisé le réseau de consuls français pour recueillir puis alerter l’opinion française et mondiale. Il n’hésita pas à dresser un portrait peu flatteur de Abdülhamid et des rapports alarmants sur la situation des Arméniens de l’Empire Ottoman. Les écrits du diplomate sont de précieux documents pour les historiens qui travaillent sur la période qui a précédé le génocide.

Le dernier volet de l’ouvrage est consacré aux mémoires. Après les recherches concernant la mémoire des différentes générations de la diaspora, Janine Altounian nous relate l’itinéraire emblématique d’un manuscrit écrit par un rescapé du génocide, dont la trace s’est perdue et qui réapparaît fin des années 70. Pour l’essayiste, le parcours de ce manuscrit s’inscrit dans l’histoire même de la mémoire que les générations successives ont eue : une volonté d’oubli, à quoi succède celle de la compréhension et du repère.

Ces recherches ouvrent de nouvelles perspectives de travail quant aux conséquences morales et psychiques de traumas auxquels les différentes générations qui se sont succédé ont dû et doivent faire face. Cet ouvrage permet ainsi cette ouverture.

 

Guy Donikian

 


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