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Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart 24.08.23 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Folio (Gallimard), Roman

Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo, Gallimard, Folio, mars 2023, 288 pages, 8,70 €

Ecrivain(s): Jean-Baptiste Del Amo Edition: Folio (Gallimard)

Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo (par Patryck Froissart)

 

Prix FNAC 2021, ce roman vaut par l’atmosphère pesante, angoissante que l’auteur y crée et qu’il y maintient du début à la fin.

Une première partie, dont le caractère hors texte est exprimé par l’usage de l’italique, plonge le lecteur dans l’oppressante mise en scène d’une tribu nomade préhistorique en marche en un milieu naturel inhospitalier, voire limbique. L’élément narratif essentiel consiste en un accouchement risqué, dans des conditions élémentaires, et à la naissance d’un enfant, « le fils de l’homme », dont la survie est hypothétique tant les circonstances d’existence sont précaires, périlleuses, en cette avance forcée vers un ouest onirique que jalonnent les cadavres des plus faibles.

Mais pour l’heure, l’enfant appartient encore au néant ; il n’est qu’une infime, une insoutenable probabilité tandis que la horde des hommes avance tête baissée dans la bourrasque, troupeau vertical, opiniâtre et loqueteux.

L’épisode se termine néanmoins sur une note d’optimisme.

Le faucon lance un cri strident, fond en piqué sur une petite proie quelque part sur la plaine. Alors le jeune chasseur se penche et ramasse au sol sa sagaie.

La descendance est assurée. Le fils de l’homme peut prendre la relève.

Intrinsèquement, ce court récit d’une quinzaine de pages est d’une sombre beauté. Lu comme allégorique, il donne son sens à celui qu’il introduit, qui se déroule des milliers d’années plus tard, à notre propre époque.

Le personnage central du roman qui suit, comme dans l’histoire qui le précède, est un enfant. Tout se passe sous son regard. Il vit seul avec sa mère, dans une relation fusionnelle, exclusive, jusqu’au jour où le père, qui n’a pas donné signe de vie depuis le jour qu’il a disparu suite à des démêlés avec la justice, ressurgit sans crier gare et les incite, bon gré mal gré, à l’accompagner, soi-disant pour un séjour de quelques semaines, dans la demeure qu’il a héritée de son propre père – un tyran domestique dont s’esquisse peu à peu le portrait de brute – et où il a lui-même vécu son enfance.

Au terme d’un périple exténuant au travers de décors fantasmagoriques rappelant la longue marche des ancêtres, le groupe parvient à la « maison », une masure en ruine isolée dans un coin perdu.

Le père, qui a découvert lors de sa réapparition que sa femme est enceinte de l’un de ses anciens complices, instaure des règles de vie de plus en plus strictes et de plus en plus frustes glissant progressivement vers une sorte de « rensauvagement » dans un cadre aux réminiscences « préhistoriques ». Des événements dramatiques vont alors se produire, jusqu’à l’inévitable dénouement tragique.

Le dessein machiavélique du père se dessine lentement, l’auteur en semant les indices dans une profusion volontairement excessive de détails dont la minutie et le caractère récurrent, obsédant, n’est pas sans rappeler certaines constantes du Nouveau Roman. L’emprise qu’exerce ainsi, de plus en plus prégnante, le névrosé sur sa femme et son fils s’accompagne de celle que l’auteur, fieffé démiurge, par ces artifices narratifs fort bien maîtrisés, développe page à page sur l’attention du lecteur.

« Je dois voir un médecin, dit la mère une fois encore, mais d’une voix désormais éteinte, résignée […].

– Tu sais bien que c’est impossible, répond patiemment le père. Regarde-toi. On ne peut plus partir ».

[…]

La mère ne répond pas, n’esquisse pas un geste, docile aux ablutions du père. Il l’invite à s’allonger sur le côté, elle se laisse basculer sur la hanche et il la borde avec une même prévenance, comme s’il flattait un animal récalcitrant enfin rompu à son autorité…

Les procédés sont efficaces. Le piège se referme jusqu’au jour où le fils de l’homme…

Lecteur, lectrice, bon séjour dans la sordide ambiance du taudis du bout du monde !

 

Patryck Froissart

 

Jean Baptiste Del Amo est un écrivain français né à Toulouse en 1981. En 2006, il reçoit le Prix du jeune écrivain francophone pour sa nouvelle, Ne rien faire, une fiction écrite à partir de son expérience au sein d’une association de lutte contre le VIH en Afrique. Son premier roman, Une éducation libertine, paru aux Editions Gallimard en 2008, a reçu le Prix Laurent-Bonelli Virgin-Lire, fin septembre 2008, le Goncourt du premier roman 2009. Il publie en 2010 un deuxième roman, Le Sel, prochainement adapté au théâtre, puis Pornographia, en 2013, qui obtient le Prix Sade. En 2016 paraît son quatrième roman, Règne animal, récompensé par le Prix du Livre Inter 2017, et en 2021, Le fils de l’homme, qui obtient le Prix du Roman Fnac. Ses livres sont traduits dans une quinzaine de langues. Il a réalisé en 2019 son premier court-métrage, Demain il fera beau, récompensé par le Prix Unifrance des diffuseurs.

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A propos de l'écrivain

Jean-Baptiste Del Amo

 

Jean-Baptiste Del Amo, de son vrai nom Jean-Baptiste Garcia, est un écrivain français, né à Toulouse le 25 novembre 1981, vivant à Montpellier. Le nom Del Amo est celui de sa grand-mère, l’auteur ayant été encouragé à changer de nom par son éditeur, Gallimard publiant au même moment un roman d’un autre auteur originaire de Toulouse et portant le même nom (Tristan Garcia, La meilleure part des hommes). En 2006, il reçoit le Prix du jeune écrivain pour sa nouvelle Ne rien faire, écrite à partir de son expérience de quelques mois au sein d’une association de lutte contre le VIH en Afrique. Ce texte court, qui se déroule en Afrique le jour de la mort d’un nourrisson, est une fiction autour du silence, du non-dit et de l’apparente inaction. Fin août 2008, son premier roman, Une Éducation libertine, paraît dans la Collection Blanche chez Gallimard. Il est favorablement accueilli par la critique et reçoit le Prix Laurent-Bonelli Virgin-Lire, fin septembre 2008. L’auteur ramène sa technique à celle de Gustave Flaubert, relisant à haute voix ses phrases pour les affiner. C’est encore Flaubert et L’Éducation sentimentale qu’évoque le titre de ce premier roman, pourtant initialement intitulé Fressures. En mars 2009, Jean-Baptiste Del Amo se voit finalement attribuer la Bourse Goncourt du premier roman, à l’unanimité dès le premier tour de scrutin. Le 25 juin 2009, c’est au tour de l’Académie française de lui décerner le prix François Mauriac. Ont suivi Sel en 2010 et Pornographia en 2013, Règne animal est son quatrième roman.

 

A propos du rédacteur

Patryck Froissart

 

Tous les articles et textes de Patryck Froissart


Patryck Froissart, originaire du Borinage, a enseigné les Lettres dans le Nord de la France, dans le Cantal, dans l’Aude, au Maroc, à La Réunion, à Mayotte, avant de devenir Inspecteur, puis proviseur à La Réunion et à Maurice, et d’effectuer des missions de direction et de formation au Cameroun, en Oman, en Mauritanie, au Rwanda, en Côte d’Ivoire.

Membre des jurys des concours nationaux de la SPAF

Membre de l’AREAW (Association Royale des Ecrivains et Artistes de Wallonie)

Membre de la SGDL

Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles, dont certains ont été primés, un roman et une réédition commentée des fables de La Fontaine, tous désormais indisponibles suite à la faillite de sa maison d’édition. Seuls les ouvrages suivants, publiés par d’autres éditeurs, restent accessibles :

-Le dromadaire et la salangane, recueil de tankas (Ed. Franco-canadiennes du tanka francophone)

-Li Ann ou Le tropique des Chimères, roman (Editions Maurice Nadeau)

-L’Arnitoile, poésie (Sinope Editions)