Le feu sur la montagne, Edward Abbey
Le feu sur la montagne, 212 pages, 20 €
Ecrivain(s): Edward Abbey Edition: Gallmeister
Au départ, ce pourrait être le récit des vacances d’un jeune garçon nommé Billy Vogelin Starr, jeune américain habitant sur la côte est et allant passer ses vacances d’été chez son grand-père John Vogelin, dans le ranch de ce dernier, situé dans l’état du Nouveau-Mexique, aux confins de lieux tels qu’Alamogordo, El Paso, villes proches de la propriété de ce grand-père. Ce dernier, homme solitaire, enraciné dans sa terre, pétri de ses habitudes de cow-boy, proche de ses animaux, les chevaux, qu’il choie avec beaucoup d’attention et d’amour, vit en symbiose avec la nature, au rythme du soleil et des saisons. Il déteste a priori la « civilisation », celle des hommes et des bureaucrates, de l’administration fédérale qu’il voue aux gémonies. Pourtant, il reçoit la visite d’un fonctionnaire fédéral, un certain colonel DeSalius, dont il trouve l’apparence et le maintien ridicules et affectés, lui, l’homme de l’Ouest, le Frontier man, aux habitudes plus endurcies, plus rugueuses.
Ce dernier lui annonce dans un premier temps l’expropriation de son ranch par le gouvernement fédéral américain, aux fins de transformation de l’aire ainsi libérée en champs de tirs de missiles nucléaires. Nous sommes en pleine guerre froide, l’Union Soviétique menace la sécurité des Etats-Unis, selon l’argumentaire développé par l’officier DeSalius. On ne peut, lorsqu’on est un bon citoyen, s’opposer à ce genre d’impératifs. Le grand-père refuse dans un premier temps, et décline également dans un second temps une proposition de maintien partiel dans les lieux contre une disposition de ses terres au profit du gouvernement américain.
Ce roman est magnifique, on y trouve des descriptions de la nature de l’Ouest américain et des paysages, de la faune, de la flore, de la vie animale, de la symbiose réalisée entre cet homme, son petits-fils, son ami Lee Mackie, et cette vie au milieu de ce décor :
« Avec la grande montagne dans notre dos, nous avions une vue parfaitement dégagée vers le nord, l’est et l’ouest : un hémisphère entier. Je voyais cinq massifs montagneux différents – sans compter celui contre lequel je m’adossais –, les lumières de deux villes, et intro onze miles kilomètres carrés de désert tout autour. Je voyais les monts San Andres qui s’étiraient vers le nord, les montagnes de Sacramento au-delà d’Alamogordo, à soixante kilomètres de distance au nord-est, les monts Guadalupe à quelque cent trente kilomètres à l’est, et les montagnes de l’Oregon et la brume sale d’El Paso très loin au sud, puis le désert de Chihuahua qui s’étendait à l’infini au-dessus de tout ça ».
Le grand-père ne cède pas, sa propriété est assiégée par la police, mais ses proches, Lee et son petit-fils Billy, décident de l’incinérer, comme pour manifester son attachement et ses liens indéfectibles avec sa terre. A noter que l’auteur lui-même s’est fait enterré dans le désert, sa tombe serait introuvable… Beau roman, ode à la nature somptueuse, qui nous fait rêver et éprouver beaucoup de sympathie et de complicité pour ce grand-père, allant jusqu’au bout de sa condition.
Stéphane Bret
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