Le crépuscule de la démocratie, Nicolas Grimaldi
Le crépuscule de la démocratie, mai 2014, 160 pages, 11 €
Ecrivain(s): Nicolas Grimaldi Edition: Grasset
Philosophe et essayiste, auteur de L’Effervescence du vide, Les théorèmes du moi et Métamorphoses de l’amour, grand lecteur de Proust et de Descartes auxquels il a consacré de nombreux essais, Nicolas Grimaldi change de champ d’investigation et inaugure avec Le crépuscule de la démocratie un nouveau terrain et un nouvel angle d’attaque : celui de la politique.
La problématique de cet essai publié dans la petite collection blanche aux éditions Bernard Grasset pose la question suivante : La démocratie moderne serait-elle devenue une réalité trop fragile, et trop éloignée de ses propres principes, pour être confiée aux manipulateurs qui prétendent l’incarner ?
Le ton sarcastique parcourt la formulation de la question, mais le propos est ici celui d’une réflexion de fond, et l’objectif est de mieux comprendre l’état des lieux actuel de notre système démocratique.
Les citations mises en exergue indiquent la position du philosophe qui entend nous donner à comprendre cette « décadence » du fait démocratique, s’il en est une. Car l’histoire nous apprend au final, à bien y regarder, que Tout a toujours très mal marché (Péguy) et, sauf pour ceux qui nous en ont rapporté l’histoire, que la vie la plus ordinaire fut presque toujours atroce (N. Grimaldi). Nous ne laisserons donc pas dire qu’hier l’air était plus léger ni que les jours étaient plus beaux (id.).
La première citation – de Benjamin Constant – souligne l’inutilité des regrets en réponse à cet état de faits ; la seconde – de Montesquieu – l’inutilité d’une attaque directe de la politique.
Le contexte posé, il s’agit de mettre en évidence les questions issues de la problématique et d’éclairer leurs causes et conséquences au niveau collectif mais aussi individuel. De la problématique découlent des problèmes, lesquels révèlent une façon d’être au monde, une posture des individus vis-à-vis de leur conception d’un monde où ils forment et interagissent un corps social.
Même si la vie politique est ainsi devenue une sorte de noria (N. Grimaldi), même si le lien social s’est tellement effiloché que plus personne ne saurait encore dire ce qui l’unit aux autres, faute de pouvoir imaginer avec eux aucun type de communauté (id.) ; même si le régime dans lequel nous vivons en tant que citoyens est un régime démocratique par défaut et qu’il n’est pas certain que cette pseudo-démocratie soit le régime qui corresponde le mieux aux attentes de la société contemporaine (id.) – Nicolas Grimaldi ne s’en remet pas pour autant à une résignation muette ni ne renonce à nous faire réfléchir sur les problèmes cruciaux posés par notre démocratie. Pour preuve l’écriture de cet essai dont l’auteur présente ainsi la finalité dans l’Avant-Propos :
Le très bref essai qui suit ne prétend pas plus répondre à ces questions qu’il ne suggère de solutions aux problèmes qu’il pose. Sans aucune ambition théorique, il se borne à dresser un constat. Le pays où j’achève ma vie est devenu pour moi aussi étrange que pouvait le paraître la société de Louis XV à un Persan de Montesquieu. N’ayant ni compétence ni autorité pour rien réformer, je souhaiterais seulement faire partager mon étonnement à ceux qui auront le courage, la lucidité, et le discernement de le faire.
Et du courage, de la lucidité et du discernement, l’auteur et philosophe Nicolas Grimaldi n’en manque pas. Les questions levées comme des lièvres dans l’Avant-Propos ont la détermination de leur cheminement et peuvent paraître audacieuses, voire provocatrices. Mais elles s’énoncent au profit d’une clairvoyance et d’une lucidité exprimée et courageuse.
Sarcastique paradoxe de l’histoire, la démocratie constitue ce régime du meilleur des mondes possibles, ou du moins mauvais, incompétent et défectueux mais suffisamment nécessaire pour que l’on n’y renonce pas. Car aussi indéfendable que soit la démocratie, il n’y a qu’elle pourtant pour nous défendre du pire, en tenant à distance le péril toujours latent du despotisme et du totalitarisme. Questionnons-la donc. Cet essai nous y invite et nous y incite avec clarté et pertinence.
Murielle Compère-DEMarcy
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