Le Ciel est à nous, Luke Allnutt
Le Ciel est à nous, mars 2018, trad. anglais, Anne-Sophie Bigot, 448 pages, 21 €
Ecrivain(s): Luke Allnutt Edition: Le Cherche-Midi
Si certains pensent que le bonheur est inaccessible à la prose romanesque et que le roman ne peut fonctionner sans drame, Le Ciel est à nous pourrait constituer un parangon de ce principe littéraire. De bout en bout, le récit est habité par le drame, et les rares moments d’accalmie nous laissent hébétés, incrédules, courbant presque l’échine, prêts à accuser le coup suivant, que nous craignons toujours être le dernier, le fatal.
Pourtant, Rob et Anna sont l’incarnation du couple parfait : beaux, riches et intelligents, ils vivent et travaillent dans les quartiers cossus de Londres. Tout leur réussit, et, pour parfaire leur bonheur, il ne leur manque qu’un enfant. Bien qu’une première tentative échoue (comme un funeste présage), la suivante aboutit. Les voici donc les heureux parents du petit Jack, un jeune garçon épanoui, plein de vie, d’amour, et de candeur. Seulement la vie peut se montrer cruelle, injuste, et parfois même immonde, une vraie saleté. C’est sans doute ce que Rob et Anna ont ressenti le jour où ils ont appris le cancer de leur fils, puis tous les jours qui ont suivi, à compter de la minute où leur a été annoncé le caractère incurable de la maladie.
Luke Allnutt ne laisse pas le lecteur s’abîmer gentiment dans une peine tamisée par de bonnes intentions prévenantes et des velléités de joliesse dans le style et le phrasé. Son écriture, hyperréaliste, ne lui épargne rien et l’entraîne dans une descente aux enfers où l’extrême trivialité du quotidien côtoie le sublime de la désespérance. D’un côté, il faut faire face à la vie qui continue, avec son lot de devoirs, d’aménagements, de déceptions et de consternations liés à la maladie. De l’autre, il faut pouvoir gérer au mieux, psychologiquement et émotionnellement, la tragédie, qui, chaque seconde, ronge et ruine le noyau familial, puisqu’il est aussi et surtout question du couple, qui se délite, se perd et s’éprouve dans un chagrin clivant et solitaire.
Traduit de l’anglais par Anne-Sophie Bigot, ce roman de Luke Allnutt, avec sa puissance émotionnelle, sa force évocatrice, et sa petite lucarne, ouverte malgré tout, sur une issue possiblement apaisée, comme le suggère son titre français, Le Ciel est à nous, connaîtra sans doute un beau succès en librairie.
Christelle d’Hérart-Brocard
- Vu : 2782