Le ciel du dessous, Jean Azarel
Le ciel du dessous, octobre 2016, 64 pages, 12 €
Ecrivain(s): Jean AzarelEntre paganisme et mysticisme, la frontière est charnelle et Jean Azarel la franchit allègrement dans les deux sens, et en invente d’autres, des sens, dans une langue toute personnelle, et s’il nous guide, tel le lapin d’Alice, c’est pour mieux nous perdre dans la touffeur du ciel du dessous. Là où il n’y rien à comprendre, mais beaucoup à capter, à sentir, voire à renifler, que ce soit l’origine du monde, façon Courbet ou sa fin.
J’ai connu un temps
où les forêts étaient épaisses,
le gibier joyeux.
Ce qui vivait au dessus
était mû par le règne
du dessous.
Mais nulle lourdeur, et surtout nul regret, remords ou autres bestioles du genre. Juste une ode à l’animalité des corps, à la jubilation des sens et aux racines qu’ils s’en vont planter bien profond dans l’humus des forêts. Savoureuse sauvagerie.
Courez lièvre des éboulis,
que s’accouplent partout
le souple et l’indécis
dans le bruissement
des fougères.
Ce recueil est une sorte d’hommage au livre de la suédoise Kerstin Ekman, Les brigands de la forêt de Skule, pour celles et ceux qui l’auront lu (et si vous ne l’avez pas lu, alors lisez-le !). L’exultation des corps, c’est aussi la conscience qui s’envoie en l’air, paradoxe des trois cieux, dessus dessous milieu et par-dessus tête, ce qui n’empêche qu’il y a un prix à payer pour toute transgression, que le temps fait son racket et que la chair est corruptible de bien des façons, la dernière étant la plus pourrie.
L’un avec l’autre,
couchés.
Valse finissante des draps,
au mitan dépassé
de l’arbre de vie,
la chair encore si chaude
en son achèvement.
Mais qu’importe la fin, régalons-nous de poésie qui gambade fesses à l’air, y trace des signes magiques et fond tous les cieux en un seul, le poète lui n’est pas dupe, il sait bien que :
Celui qui croit écrire
ne fait que raboter
les mots trouvés
en soulevant la chape
de ses effritements.
Par bonheur, le cheminement intérieur
oublie sa fin.
Cathy Garcia
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