Le Charme des après-midi sans fin, Dany Laferrière
Le Charme des après-midi sans fin, mai 2016, 216 pages, 9,95 €
Ecrivain(s): Dany Laferrière Edition: Zulma
Nostalgie pagnolienne en Haïti
Les éditions Zulma rééditent Le Charme des après-midi sans fin de Dany Laferrière, initialement publié à Montréal, en 1997. Le narrateur, Vieux Os, double de l’auteur au centre de plusieurs de ses romans (L’Odeur du café, 1991, Pays sans chapeau, 1996, Le cri des oiseaux fous, 2000…) nous y raconte sa vie d’adolescent haïtien, à Petit-Goâve au sud-ouest de Port-au-Prince, dans les années 60.
Le roman est avant tout l’occasion de dresser une série de portraits attendrissants, amusants ou grinçants, ceux des figures que le jeune garçon a côtoyées durant son enfance et qu’il peint ici avec une certaine nostalgie. On y trouve d’abord Da, sa grand-mère aimante qui prend soin de lui et qu’entoure une odeur de café, ces cafés qu’elle sirote à longueur de journée et qu’elle offre à ceux qui viennent lui rendre visite. Elle est le cœur (à tous les sens du terme) de son univers, celle autour de qui tourne sa vie. Il y a aussi les amis, Rico et Frantz notamment, l’évocation des premiers amours, des premières déclarations, des secrets que garçons et filles s’échangent. Le notaire Loné qui, dans sa jeunesse, était tombé amoureux de Da et qui s’attache à Vieux Os en qui il voit un garçon à part…
Autour du narrateur et de Da, la vie s’organise, les petites anecdotes se multiplient comme autant de clichés photographiques retrouvés dans une boite ancienne. Se dessine aussi une géographie où les lieux stratégiques deviennent l’équivalent de repères pour le lecteur : la rue Lamarre où réside Da, le salon de coiffure de Saint-Vil Mayard où se jouent les parties d’échec, l’école, le marché. De fil en aiguille se tisse la trame de l’histoire de Vieux Os mais aussi celle d’une ville et d’une époque, d’un pays qui connaît des heures difficiles avec la mise en place d’un couvre-feu qui obligera le narrateur à quitter le Petit-Goâve.
On retrouve dans Le Charme des après-midi sans fin ce qui faisait la beauté de la trilogie autobiographique de Marcel Pagnol : les jeunes années d’un enfant insouciant qui commence à goûter la vie, la présence de personnages attachants qui nous émeuvent, une nostalgie douce-amère qui nous touche. Car Dany Laferrière – et c’est là la force de ses livres – sait toujours, à partir de souvenirs ou d’expériences personnelles, toucher à l’humaine condition. Il se dépasse, nous emporte avec lui et nous emmène plus loin. Toujours plus loin. C’est en ce sens qu’il est un grand écrivain, un écrivain universel.
Arnaud Genon
- Vu : 4493