Lawrence d'Arabie, Michel Renouard
Lawrence d’Arabie, novembre 2012, 320 p. 8,60 €
Ecrivain(s): Michel Renouard Edition: Folio (Gallimard)
Qui était vraiment Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie, personnage rendu célèbre par l’interprétation de Peter O’Toole dans le film éponyme de David Lean.
Un homme à l’origine incertaine, nous dit Michel Renouard, dans la biographie qu’il consacre à ce personnage hors normes : T. E. Lawrence est né d’une relation adultère entre son père, Thomas Chapman, et une certaine Sarah Junner, gouvernante. La famille change de résidence, d’identité, et le jeune Thomas se nommera Lawrence, nom présumé du père de Sarah.
Jeune homme solitaire, ascétique, T. E. Lawrence manifeste un goût prononcé pour les siècles anciens et pour les humanités : le latin et le grec n’ont pas de secret pour lui, il traduit L’Odyssée d’Homère. Les croisades, la geste associée à cette période, le personnage de Richard Cœur de Lion, sont des marqueurs pour ce jeune homme qui délaisse les amitiés particulières, relativement répandues dans les Public Schools britanniques à cette époque, pour ne se consacrer qu’à la poésie, au rêve éveillé.
De nature rebelle, peu enclin à adopter les contraintes d’une discipline commune, il fréquente l’Université d’Oxford. Il y fera la rencontre de personnages qui compteront dans son parcours : David George Hogarth, archéologue de son état, et accessoirement agent de renseignement de Sa Majesté ; Charles M. Doughty, auteur de Voyages dans l’Arabie déserte, dont la lecture exercera une influence majeure sur l’œuvre principale de Lawrence, Les Sept Piliers de la sagesse.
Quelles furent les motivations de Lawrence pour s’engager dans des batailles en Syrie, en Arabie Saoudite, en Mésopotamie ? Le patriotisme, nous dit Michel Renouard, car Lawrence se voulait au service des intérêts de son pays bien sûr, de l’empire colonial britannique. Et aussi par soif d’absolu, par la recherche de l’accomplissement d’un rêve, seuls objectifs capables d’enthousiasmer ce personnage dédaigneux au plus haut point des avantages matériels, lui qui refusa les droits d’auteur considérables que les éditeurs lui proposèrent pour l’édition des Sept Piliers de la sagesse.
A la fois homme d’action, par sa participation aux batailles du Hedjaz, au cours de laquelle il se livre à des opérations de guérilla en 1917, à celle d’Akaba aboutissant à la prise de la ville, à la bataille de Deraa où il est fait prisonnier et torturé, homme de l’ombre par ses activités de renseignements, homme de diplomatie par sa présence lors des tractations qui scelleront le sort du Moyen-Orient après la première guerre mondiale, Lawrence ne laisse pas indifférent : il séduit les grands personnages qu’il rencontre, comme le général Allenby qu’il rejoint après une marche à dos de chameau dans le Sinaï, à Ismaïlia. Malgré les différences d’origine, le courant passe entre eux et Lawrence est promu Major (commandant).
Winston Churchill, Secrétaire d’Etat aux colonies en 1921, qui lui propose un poste de conseiller aux questions arabes que l’intéressé accepte, énoncera-t-il à son propos : « Le monde regarde naturellement avec un peu d’effroi un homme aussi indifférent à la famille, au bien-être, au rang, à la puissance comme à la gloire ; il ne voit pas un être se placer en dehors de ses lois (…) Il était vraiment l’habitant des cimes, là où l’air est froid, vif et raréfié, et d’où l’on domine les jours clairs, tous les royaumes du monde et leur gloire ».
Le livre de Michel Renouard fourmille d’indications sur la formation intellectuelle de Lawrence, ses orientations sentimentales. Il y est démenti une homosexualité, en raison de la répulsion que Lawrence éprouvait pour le corps, composante accessoire pour déterminer la conduite de cet homme. Michel Renouard souligne, à de nombreuses reprises, le côté rebelle du personnage, sa marginalité, souvent voulue, en marge des structures. Ce trait moral renforce à coup sûr l’intérêt pour le personnage dont on découvre la complexité à la lecture de cette excellente biographie.
Stéphane Bret
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