La Sorcière, Camilla Läckberg (par Jean-Jacques Bretou)
La Sorcière, mai 2019, trad. suédois Rémi Cassaigne, 783 pages, 10 €
Edition: Actes Noirs (Actes Sud)
Une petite fille de quatre ans, Nea, a disparu dans la région de Fjällbacka. Le commissariat de Tanumshede dans son intégralité est sur le pied de guerre. Par un mystérieux hasard, on retrouve l’enfant, assassinée exactement là, sous le même arbre, où gisait trente ans plus tôt, en 1985, le corps sans vie de Stella, une autre fillette qui habitait la même ferme. À l’époque, deux adolescentes, Marie et Helen, avaient avoué avoir commis le crime. Aujourd’hui, Helen habite toujours Fjällbacka, elle est mariée à un militaire au caractère peu amène et collectionneur d’armes. Quant à Marie, mère d’un enfant, elle est devenue vedette de cinéma et se trouve, pure coïncidence, dans la région pour tourner un film sur Ingrid Bergman qui, soit dit en passant, venait souvent se reposer à Fjällbacka. Pour continuer à planter le décor, il faut ajouter un camp de réfugiés syriens qui tente de s’intégrer à la population locale et ne recule devant aucun effort pour cela, jusqu’à s’entraîner à tirer des bouts pour pouvoir participer à une petite régate locale.
Il conviendrait, afin de rendre avec le plus de précision possible le climat émanant de cet ouvrage, d’ajouter des adolescents en pleine crise, harceleurs, violents, ayant beaucoup de difficultés à exprimer leurs sentiments mais très touchants, ainsi que l’atmosphère dégagée par ce pays à la fois chaleureux et forgé par la rigueur protestante et enfin la douceur de l’été suédois. Cet ouvrage serait incomplet s’il n’y avait pas parallèlement l’histoire d’Elin vivant au XVIIe siècle, qui sur dénonciation de sa méchante sœur sera déclarée sorcière et mourra la tête tranchée.
Comme on peut le lire dans le résumé ci-dessus, il y a dans La Sorcière une accumulation d’évènements et de circonstances plus ou moins hasardeuses plantées ici pour tenir le lecteur en haleine. Ce livre est le dixième de cet ensemble écrit par Camilla Läckberg avec pour personnages récurrents les policiers de Tanumshede : l’héroïne Erica Falck, mère de trois enfants, écrivain, et lorsque l’occasion se présente, enquêtrice auprès de son mari (mon Dieu comment fait-elle !), Patrick Hedström, Gösta, Martin Molin, et Bertil Mellberg le chef de la police, une sorte de goinfre empoté. Il faut sans doute être un habitué de Läckberg pour pouvoir retenir tous les noms des personnes qui passent dans ses romans, il faut aussi accepter une certaine mièvrerie et une construction maladroite. Cette série paraît néanmoins fonctionner, elle doit s’adresser à un public apparemment jeune, très jeune et non au lecteur de polar chevronné.
Jean-Jacques Bretou
- Vu : 1932