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La première chose qu’on regarde, Grégoire Delacourt
La première chose qu'on regarde, mars 2013, 264 pages, 17 €
Ecrivain(s): Grégoire Delacourt Edition: Jean-Claude Lattès
« Arthur Dreyfuss aimait les gros seins ». C’est par cette phrase déclarative et définitive que commence le roman, présentation on ne peut plus directe du personnage principal et du trait essentiel de son caractère.
Son attirance, depuis toujours, pour cette partie de l’anatomie féminine, « la première chose qu’on regarde », n’empêche pas Arthur de mener une scolarité normale, et de devenir bon mécanicien chez le garagiste Payen, après une enfance marquée par de terribles épreuves : la mort de sa sœur Noiya dévorée par le chien du voisin, l’absence de son père parti quelque temps après dans la forêt pour n’en plus jamais revenir, et la dégénérescence éthylique de sa mère jamais remise de la mort atroce de Noiya et de la disparition consécutive de son mari.
« Arthur Dreyfuss aimait les gros seins ».
Le sachant, on imagine dans quel état le met l’apparition, un soir, alors qu’il ouvre la porte de son humble maison à laquelle on a toqué, de Scarlett Johansson, la célèbre star « qui rapporta le titre de plus belle poitrine d’Hollywood, décerné par la chaîne américaine Access Hollywood (pour les curieux et les amateurs, Salma Hayek arriva en deuxième position, Halle Berry en troisième, Jessica Simpson en quatrième et Jennifer Love Hewitt en cinquième)… ».
Commence alors une prenante et surprenante histoire, un tendre et émouvant délire, une sorte de dérive fusionnelle, une espèce de fugue amoureuse, une fantaisie aussi passionnelle que touchante, souvent ingénue et poétique, sur fond de références filmographiques hollywoodiennes de ces vingt dernières années et d’extraits de poèmes de Jean Follain, dont Arthur a trouvé un recueil oublié au garage par une cliente.
La romance toutefois est hérissée, ici et là, de piques sur le monde épineux du cinéma, sur les jalousies latentes qui y règnent entre les stars, l’hypocrisie de leur entourage, le harcèlement des paparazzis. Ce monde-là est une jungle.
Les dialogues entre Arthur et son idole sont tantôt touchants, lorsque le narrateur rapporte les déclarations candides, voire naïves, que s’adressent les deux personnages qui s’enclosent dans leur bulle amoureuse, tantôt bouleversants, quand les protagonistes se racontent les épisodes douloureux de leurs passé de misère.
L’auteur crée le suspens, entretient le flou, mêle rêve, illusion, réalité, joue sur les ressemblances, installe la supercherie, superpose les sosies, met du cinéma, de la poésie et de la sensualité, introduit et enchevêtre songe et mensonge dans la vie d’Arthur et de sa compagne inespérée.
Emmené dans ce méli-mélo astucieusement construit, le lecteur ne s’ennuie guère.
« Le mensonge fait son nid partout », commente le narrateur.
Oui, mais le mensonge peut créer le bonheur.
Question : le bonheur, quel que soit l’événement qui le fonde, est-il durable ?
Grégoire Delacourt donne sa réponse, à la fin de ce livre étonnant et détonnant.
Patryck Froissart
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