La philosophie comme un roman, de Socrate à Arendt, Laurence Hansen-Löve
La philosophie comme un roman, De Socrate à Arendt, avec Laure Becdelièvre et Fabien Lamouche, Presses de l’Université de Laval, septembre 2014, 306 pages, 24 €
Ecrivain(s): Laurence Hansen-LöveLes ouvrages de vulgarisation philosophique ont envahi ces dernières années les rayons des librairies. Les œuvres des grands penseurs, considérées difficiles d’accès, ont laissé place à une multitude de commentaires, de synthèses, de condensés plus ou moins aboutis, plus ou moins nécessaires. Les commentateurs se commentent parfois eux-mêmes faisant presque oublier l’œuvre première, la vraie, l’unique…
Heureusement, dans cette multitude éditoriale souvent assez fade, certains ouvrages se distinguent par leur originalité, leur fraîcheur, leur audace et donc, leur réussite. La philosophie comme un roman est de ceux-là.
La philosophie, nous rappelle Laurence Hansen-Löve dans son « avant-propos », est une « discussion ininterrompue, une conversation permanente des hérauts de l’esprit en acte », elle est un dialogue accidenté, « un cheminement protéiforme mais “dialectique”, car orienté et unifié par la recherche du sens ». Partant de ce principe, l’auteure a décidé de réunir quinze des plus grands philosophes et de les interroger « comme s’ils étaient nos contemporains ». Sont ainsi convoqués, dans l’ordre chronologique, Socrate, Epicure, Epictète, Descartes, Spinoza, Hume, Rousseau, Kant, Marx, Nietzsche, Freud, Russell et Arendt.
Bien sûr, les entretiens ici présentés ne restituent pas dans leur totalité les pensées ou les concepts des philosophes « invités » à s’exprimer et certaines notions complexes font l’objet de raccourcis, comme l’avait d’ailleurs annoncé Laurence Hansen-Löve dans ses premières pages. Toutefois, la teneur pédagogique de l’ouvrage n’en souffre à aucun moment. Au contraire ! On retiendra de chacun des philosophes ce qui constitue l’essentiel de sa pensée sans pour autant que les questions qui lui sont posées succombent à une quelconque complaisance intellectuelle. Elles soulèvent les véritables problématiques, les apparentes contradictions et ne sombrent jamais dans une quelconque facilité qui aurait fait perdre à la forme de l’entretien tout son potentiel dynamique et dialectique. Les questionnements amènent ainsi à clarifier certains points obscurs de la pensée de ces auteurs.
Au-delà de l’approche vivante des philosophes qui nous est proposée, on comprendra aussi que la philosophie est une suite d’échanges, de débats, de désaccords qui ont nourri les philosophes et la philosophie elle-même. Les entretiens se répondent souvent, inscrivent les idées dans une histoire, dans un mouvement des plus intéressants : « On ne peut aborder Freud en faisant abstraction de Descartes, ni Nietzsche en ignorant tout de Platon ou de Kant » remarque Laurence Hansen-Löve dans son « avant-propos ».
On traverse avec grand plaisir ces vingt-cinq siècles de philosophie, comme à la lecture d’un roman où à la confrontation d’une pensée que l’on sait précieuse. Dans ce beau travail, destiné à tous – lycéens, étudiants, enseignants, curieux –, on trouve ce que tout essai devrait viser : du savoir et de la saveur…
Arnaud Genon
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