La péremption, Lionel Fondeville (par Philippe Thireau)
La péremption, Lionel Fondeville, avril 2021, 162 pages, 18 €
Edition: TinbadUne fulgurante immersion dans la mer des mots désossés : le livre univers de Lionel Fondeville, La péremption, paru chez Tinbad, est bien dans la ligne de l’éditeur de littérature expérimentale. Il en est même le parangon, me semble-t-il. On nomme Tzara, Barthes dans la note de diffusion de l’éditeur pour exprimer ce que ces deux auteurs ont apporté à la littérature en la démembrant et pointer la filiation de Fondeville, pratiquant le segment, la découpe littéraire à l’étal, au couteau. Lionel Fondeville, en bon deleuzien, assigne à la littérature le postulat de « libérer la vie là où elle est prisonnière » – comme l’écrit Deleuze dans Questions de philosophie.
Le quotidien de l’auteur est renvoyé salement avant les origines ; rien n’exige que le réel n’entame la foi dans le non-roman. La vie n’est pas un roman, l’écriture ne peut donc l’être. L’écriture doit se résoudre à se défaire des plans établis en utilisant la pensée rhizomique ; dans le temps où elle se délite, elle devient de moins en moins roman et de plus en plus éclat philosophique. De la critique des situations réelles dans les interstices des mots, dans l’amalgame des mots, advient la liberté totale de penser « autre », c’est-à-dire soi-même hors conventions sociétales. Il s’agit pour Fondeville de « rejouer la scène sans l’avoir apprise par cœur, mais l’ayant apprise mieux que par cœur, par corps… ».
Ainsi le corps libéré des contraintes de l’esprit peut assurer la digestion des états de la vie en riant jaune, rouge, bleu…
Le livre s’adresse au lecteur qui attend dans le ventre de l’auteur de naître à la littérature, seule forme de vie possible (postulat irréaliste) pour qui veut s’oublier. Oublier sa nature fondamentalement liée à une date de péremption inconnue. Péremption : non-respect d’un délai déterminé.
Philippe Thireau
Lionel Fondeville, écrivain, dessinateur, photographe, musicien et chanteur, a publié textes et photographies dans de nombreuses revues (Le Festin, Du Nerf, Ouste, Carbone éditions Le Mort-qui-Trompe, Dissonances…), s’est illustré dans plusieurs projets musicaux (Jalouxdemonsuccès, Le Manque, Tous les films ont la même fin, ou Tycho Brahé), et a enregistré avec Dominique Lentin l’un des titres de la compilation Veterans Of The French Underground Meet La Jeune Garde (Musea Gazul, Collection Les Zut-o-Pistes, 2011).
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