La mélodie sanctuaire, Arnaud Gauthier (par Yann Suty)
La mélodie sanctuaire, janvier 2019, 252 pages, 20 €
Ecrivain(s): Arnaud Gauthier Edition: Le Mot et le ResteLa musique peut adoucir les mœurs. C’est en tout cas ce que prétendent certains. Mais la musique est aussi capable de faire bien pire (que de nous écorcher les oreilles). Et s’il existait une chanson avec des pouvoirs quasi magiques ? Une chanson capable d’ensorceler les gens, de leur rendre la vie plus douce, mais qui pourrait également révéler les pulsions primaires et créer le danger, l’insécurité ? Il s’agirait d’une chanson qui fait succomber celui ou celle qui l’écoute dès la première note, et qui ensuite devient comme une drogue qu’on ne se lasse jamais d’écouter. Ce serait une chanson qui a les mêmes pouvoirs que la musique du joueur de flûte d’Hamelin ou que le chant des sirènes de L’Odyssée.
Cette chanson existe et elle a été créée par Alex Grant Zyler, un chanteur d’un des plus grands groupes de rock du monde.
En fait, le chanteur du groupe Heart Vigilantes ne l’a pas vraiment créée. Cette chanson s’est plutôt révélée par sa guitare et sa voix, car elle existe depuis très longtemps. Elle existe même depuis plusieurs siècles et elle lie les hommes entre eux. C’est « une mélodie venue du fond des âges » qui réapparaît de temps à autre, sous différentes formes. Ceux qui l’écoutent se retrouvent alors comme enfermés dans un sanctuaire, c’était comme si un chaman les contrôlait. On l’appelle la « mélodie sanctuaire ».
Certaines personnes ne voient pas cela d’un bon œil et estiment qu’il faut empêcher une telle musique de se répandre. Car cette musique est « comme un vampire », qui pompe toute l’énergie. L’humanité risque gros. Il vaut mieux la garder secrète. D’autres, au contraire, estiment qu’il faut la dévoiler au plus grand nombre. Les gens ont le droit de savoir.
Au début du roman, le critique de musique et présentateur télé Elias Wylon s’apprête à révéler cette chanson au monde entier en la diffusant sur Internet. Il n’est pas sûr de survivre. Il est traqué.
On peut le dire : ce sujet est diablement excitant. La question qui se pose alors est : ce sujet diablement excitant est-il traité à la hauteur de sa promesse ? Le livre commence plutôt bien. C’est vivant, alerte. On croirait lire un article d’un magazine de rock, ce qui est un peu le cas, car le narrateur est justement un journaliste rock, et l’un des plus influents de la planète. Il nous emmène dans les coulisses de la vie d’Alex Grant Zyler. Sur scène, entre deux concerts, chez lui dans l’intimité, en train de composer. Le narrateur se fait quasiment le biographe du musicien, en retraçant son parcours depuis ses débuts. Le livre ressemble à un magazine rock au niveau du ton et de l’écriture, bien qu’on ait pu lire des magazines de rock avec un style plus échevelé.
La deuxième partie s’avère malheureusement peu convaincante. On rentre alors en plein complot. La « mélodie sanctuaire » est convoitée par une espèce de société secrète qui existe depuis la nuit des temps ou presque. Elle a des antennes partout dans le monde et des agents prêts à intervenir dès qu’elle réapparaît pour s’en emparer. L’histoire bascule dans l’histoire d’espionnage déjà trop vu ou trop lu, celle du type qui a un secret qu’il veut révéler mais que des méchants veulent attraper. Question suspense, on a déjà vu largement mieux. Mais ce n’est pas un livre d’espionnage. Dommage qu’Arnaud Gauthier se soit embarqué dans cette voix.
Au final, La mélodie sanctuaire est un livre distrayant, qui déçoit dans la mesure où il aurait pu être nettement mieux que ce qu’il annonçait. D’un autre côté, on peut féliciter l’auteur d’avoir écrit un livre qui invite à concevoir d’autres développements ce qu’il aurait pu être. La littérature, c’est aussi la faculté de stimuler l’imagination.
Il est à noter qu’un certain nombre de coquilles nuisent la lecture, avec des répétitions oubliées (« Malgré tout, la soirée se passa joyeusement malgré tout, nous retrouvâmes des amis communs, on parla surtout de moi… », page 56), un personnage qui change subitement de prénom (page 181) ou quelques fautes d’orthographe ici et là.
Yann Suty
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