La guerre de l’once et du serpent, Patrice Montagu-Williams
La guerre de l’once et du serpent, avril 2015, 209 pages, 20 €
Ecrivain(s): Patrice Montagu-Williams Edition: L'Harmattan
Le Brésil est un pays qui engendre des rêves : en tant que contrée rattachée au continent américain d’abord, par son immensité et la diversité de ses populations et de ses régions, ensuite. Patrice Montagu-Williams, auteur du roman La guerre de l’once et du serpent, qui a pour cadre le Brésil des années 30, nous introduit bien dans cet univers.
L’action se déroule dans le Nordeste brésilien, le long du fleuve São Francisco, dans la région du sertão, terre imprégnée de légendes, de superstitions les plus diverses faisant bon ménage avec le catholicisme dominant. Cette région passe aussi pour être peuplée de bandits, de prophètes – faux ? – et de saints à la légende non confirmée.
C’est la veille de la seconde guerre mondiale ; le Brésil est dirigé alors d’une main de fer par Getulio Vargas, un dictateur, qui a installé un état fort, autoritaire, l’Estado Novo, et n’a pas choisi son camp entre les Nazis et les Alliés occidentaux. Peu de temps auparavant, Lampiào, l’un des plus célèbres des cangaçeiros, sorte de bandes assimilées à des « bandits d’honneur », et ses compagnons ont été abattus, décimés par les troupes du régime, ce dernier ne pouvant accepter de laisser une région entière sous le contrôle de bandes armées défiant son autorité.
Un étrange personnage apparaît au cœur de ce sertão ; il se fait nommer Padre et prétend fonder un nouveau territoire, le Neuland, nom allemand signifiant : nouveau pays, nouvelle terre. Cette proximité d’avec la langue allemande s’explique très simplement : ce personnage vient d’émigrer au Brésil, c’est un ancien des SA, massacrés en 1934 au cours de la nuit des longs couteaux, et écartés du pouvoir par les sbires de Hitler.
Au cours de ses rencontres, démarches et initiatives, c’est tout le Brésil qui se dévoile sous nos yeux : le conservatisme de l’église, la présence de cultes tel que le Candomblé, religion afro-brésilienne issue de l’esclavage, la dureté, la cruauté parfois, des mœurs des villageois locaux.
Ce Padre est cynique, implacable ; il veut arriver à ses fins et n’hésite pas à railler les faiblesses de l’âme humaine : « Et qu’est-ce que tu vends ? La même chose que toi : des rêves. Que peut-on vendre d’autre à des miséreux ? Et crois-tu qu’il y ait la place pour deux marchands de rêves dans ce village ? Sans doute pas ».
La fin du roman est cruelle, et ne ressemble guère à un happy end. Pourtant, l’auteur réussit assez bien à nous faire entrevoir les déchirements de ce pays, sa démesure, ses couleurs, sa nourriture.
La phrase finale résonne comme une prophétie : « Tu es une vraie pute, l’Indien (…) A six heures précises tu montes dans le clocher et tu fais sonner les cloches. C’est toi le maître du temps à présent. Le Padre et moi nous ne sommes que deux survivants ».
Stéphane Bret
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