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La folle avoine et la falaise, Michel Cosem

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) 05.02.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

La folle avoine et la falaise, Encres Vives, Coll. Lieu, août 2017, 16 pages, 6,10 €

Ecrivain(s): Michel Cosem

La folle avoine et la falaise, Michel Cosem

 

Encres Vives participe à la vie de la poésie en France depuis plus d’un demi-siècle. Mené poésie battante par l’éditeur-poète-conteur-romancier-anthologiste Michel Cosem, le travail de recherche et de découverte se poursuit, avec une exigence dans ses choix, l’ouverture vers de nouvelles voix (nouveaux auteurs en France et à l’étranger), une quête d’auteurs francophones de tous les pays.

L’écrivain Michel Cosem évoque souvent sa région d’habitation, le Sud de la France, dans ses romans et ailleurs, en tant que « poète du bonheur intérieur » (Robert Sabatier), en tant que « Voyageur contemplatif dans l’aveuglant paradis » (Gilles Lades) avec, pour fil conducteur, une thématique liée à l’amour de la nature, de l’imaginaire, du merveilleux et du voyage. Nous ne quitterons pas cet univers dans ce nouvel opus, tout en étant de nouveau transportés dans le dépaysement (double : géographique et poétique : « géopoétique »). Un nouveau livre de Michel Cosem nous invite toujours au voyage – un Voyage féerique et familier, réaliste et poétique.

Ici, dans ce numéro 350 de la collection Lieu des Éditions Encres Vives, le Lot est célébré, où La folle avoine et la falaise se partagent à flanc des coteaux d’Occitanie des paysages de recueillement et touristiques, que le poème ouvre à nos regards par « la morsure » d’un canyon (Rocamadour, ce « pays à l’échine nue »), la promenade sur les rives de l’Ouysse (« Moulin de Cougnaguet »), la visite de communes et de villages du Massif Central, le cours des mots suivant des chemins « couverts de fruits», habités par les pierres, traversés de « ruisseaux mystérieux », « dans(ant) avec les rayons du soleil», sous un « ciel d’abeille sent(ant) la pomme et la prune », rallumés parfois par lutins et farfadets.

 

« Pays de murets et de racines blanches

de couleuvres fleuries

d’herbes de songes

de cigales à la gorge noire

Les pierres dans les champs nus

attendent comme des oiseaux

Nul chasseur ne passera plus

Les genévriers sont morts

et portent des manteaux de renard ».

Le Causse de Durbans

 

Dans le pays des causses, le poème à l’œuvre actionne sa vigie dans l’immobilité vibrante de l’espace, s’anime au marché de Figeac.

 

« (…)

Jeunes et vieux sont à la fête

tout comme les poulets, vivants et rôtis,

les fromages du causse, le miel d’acacia,

les petites bruyères déjà fleuries

et les mûres noires comme les filles brunes du pays

Passe toute proche sans jamais se cogner

l’Europe métisse

Nul n’ose se regarder dans le même miroir.

Puis tout recommence :

le lent remuement des marchandages

les petites dames à robe à pois

les vieilles alanguies qui soupèsent l’impossible

le bébé jaune à chapeau blanc qui pleure son chien cassé

le pull bleu comme une hirondelle

la minette aux jambes nues

les paniers solidement tressés

(…) »

 

L’inventaire saisonnier du Grand Sud remplit le chant des poèmes de sa corne d’abondance et les hommes – ceux-là qui se sentent vivre au marché de Figeac, dans « la beauté du matin », dans les épisodes saisonniers marqués par les métamorphoses du « labyrinthe végétal » et la présence des Bêtes, … – sous le regard immuable de la falaise vont et viennent comme la folle avoine, traversent l’existence sur les lieux desquels « (…) on repasse sans cessecomme ce couple ténébreux qui clopine entre deux néants ».

La poésie de Michel Cosem donne à voir, fondamentalement vibrante et présente par le Regard dont les points de vue modulables suffisent à transformer la vie, le monde. Ainsi un chevreuil peut être, comme la Fleur disant son nom au poète dans l’Aube de Rimbaud, entreprise capable de modifier l’état du monde (« La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom », Arthur Rimbaud ; « Un chevreuil est sorti de la forêt boire aux premières gouttes et a remis le monde à sa place », Michel Cosem).

Ce Regard est ici déployé dans toutes ses connexions sensitives (odeurs, observation, goûts, contemplation palpable participent réciproquement à la levée des voiles posés sur l’ordinaire palpitant).

 

« De bon matin le soleil se lève et mange un à un les petits arbres

du causse, je croise dans la rue de Rocamadour des moineaux,

un chien blanc aux longues oreilles, des Japonais, des pierres

amoureusement lissées, des odeurs de cuir et de savon parfumé,

de gaufre et de pâté. L’air à odeur de chêne et de buis remue les

enseignes historiques, les légendes religieuses et que du fond du

canyon monte le chant d’un rossignol, la falaise d’en face guette

et l’on n’aperçoit qu’un front hirsute, captivé par tant de beauté

et d’insolite équilibre. De hautes fenêtres gothiques sont closes ».

 

Dans un tel monde refiguré par le regard poétique, l’ensemble des vivants existe à part entière, également, à même hauteur de sensibilité. Une poésie foncièrement à hauteur d’homme se signale ici, vigie de bienveillance, herbe folle remuée par le souffle, au pied de la falaise, sur l’arête vive de l’écriture.

 

« La place aux écritures

est fraîche et silencieuse

On rêve d’un temps immense

où pierres et hommes ne faisaient qu’un

Où les pensées étaient comme les fleurs

actives et parfumées

(…)

et du bout des doigts on devine

des mots prêts à étinceler »

Figeac, Place des Écritures

 

Murielle Compère-Demarcy

 


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A propos de l'écrivain

Michel Cosem

 

Michel Cosem  a fondé  et dirige la revue Encres Vives, à la fois revue et éditions, près de mille titres au catalogue. Il y publie régulièrement ses carnets de voyages poé­tiques vers les pays du sud. Il a été traduit en de nombreuses langues. Il est l’auteur de nombreux recueils de poèmes (Rougerie, L’Amourier, L’harmattan), d’anthologies de poésie (Seghers, Gallimard, Milan), de livres pour la jeunesse (Le Rocher, Tertium, Le Seuil) et de romans pour adultes. Il a obtenu en poésie les prix Artaud et Malrieu pour l’ensemble de son œuvre. Il a reçu le Prix Renaudot pour la jeunesse en 2002.

 

A propos du rédacteur

MCDEM (Murielle Compère-Demarcy)


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Murielle Compère-Demarcy (pseudo MCDem.) après des études à Paris-IV Sorbonne en Philosophie et Lettres et au lycée Fénelon (Paris, 5e) en École préparatoire Littéraire, vit aujourd'hui à proximité de Chantilly et de Senlis dans l’Oise où elle se consacre à l'écriture.

Elle dirige la collection "Présences d'écriture" des éditions Douro.

 

Bibliographie

Poésie

  • Atout-cœur, éditions Flammes vives, 2009
  • Eau-vive des falaises éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Je marche..., poème marché/compté à lire à voix haute, dédié à Jacques Darras, éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Coupure d'électricité, éditions du Port d'Attache, 2015
  • La Falaise effritée du Dire, éditions du Petit Véhicule, Cahier d'art et de littérature Chiendents, no 78, 2015
  • Trash fragilité, éditions Le Citron gare, 2015
  • Un cri dans le ciel, éditions La Porte, 2015
  • Je tu mon AlterÈgoïste, préface d'Alain Marc, 2016
  • Signaux d'existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éditions du Petit Véhicule, 2016
  • Le Poème en marche, suivi de Le Poème en résistance, éditions du Port d'Attache, 2016
  • Dans la course, hors circuit, éd. du Tarmac, 2017
  • Poème-Passeport pour l'Exil, co-écrit avec le photographe-poète Khaled Youssef, éd. Corps Puce, coll. « Parole en liberté », 2017
  • Réédition Dans la course, hors circuit, éd. Tarmac, 2018
  • ... dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent..., éd. Encres Vives, collection "Encres blanches" , n°718, 2018
  • L'Oiseau invisible du Temps, éd. Henry, coll. « La Main aux poètes », 2018
  • Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 Éditions, 2019
  • Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, coll. « L'Or du Temps », 2019
  • Dans les landes de Hurle-Lyre, Z4 Éditions, 2019
  • L'écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris & Hurlement, préface de Jacques Darras, Z4 Editions, coll. « Les 4 saisons », 2020
  • Voyage Grand-Tournesol, avec Khaled Youssef et la participation de Basia Miller, Z4 Éditions, Préface de Chiara de Luca, 2020
  • Werner Lambersy, Editions les Vanneaux ; 2020
  • Confinés dans le noir, Éditions du Port d'Attache, illustr. de couverture Jacques Cauda; 2021
  • Le soleil n'est pas terminé, Editions Douro, 2021 avec photographies de Laurent Boisselier. Préface de Jean-Louis Rambour. Notes sur la poésie de MCDem. de Jean-Yves Guigot. Illustr. de couverture Laurent Boisselier.
  • l'ange du mascaret, Editions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord ; 2022. Prélude et Avant-Propos Laurent Boisselier.
  • La deuxième bouche, avec le psychanalyste-écrivain Philippe Bouret, Sinope Editions ; 2022. Préface de Sylvestre Clancier (Président de l'Académie Mallarmé).
  • L'appel de la louve, Editions du Cygne, Collection Le chant du cygne ; 2023.
  • Louve, y es-tu ? , Editions Douro, Coll. Poésies au Présent ; 2023.