La Femme de l’ombre, Arnaldur Indridason
La Femme de l’ombre, octobre 2017, trad. Eric Boury, 340 pages, 21 €
Ecrivain(s): Arnaldur Indridason Edition: Métailié
Un double mystère et deux enquêtes parallèles constituent la trame de ce roman policier d’une rare intensité. Un horrible meurtre a été commis près d’un bar à soldats tandis que le corps d’un noyé vient d’être repêché près des côtes islandaises. Au cours des investigations croisées menées par deux jeunes policiers, Flovent et Thorson, les personnages interrogés se dévoilent et se fracturent simultanément : chacun d’eux charrie sa propre histoire, porte le poids de son secret, agit selon ses motivations personnelles, hormis qu’aucune histoire n’est banale, aucun secret n’est anodin, ni aucune motivation superficielle. C’est que nous sommes en 1943 et que la situation historique renvoie chacun des protagonistes à ses propres démons, or ceux-ci sont d’autant plus monstrueux qu’ils représentent les maillons infimes de la cruauté collective d’une époque tristement célèbre pour ses atrocités. Dans une Islande occupée par les Américains, le lecteur se retrouve dès lors immergé dans une atmosphère infestée par la guerre, qui interroge, éclaire, motive les actes les plus effroyables, sans pour autant les légitimer. Aux lecteurs donc de s’attendrir ou de se révolter et de s’interroger sur la notion de culpabilité.
En même temps qu’il nous captive par une intrigue magnétisante, qu’il nous renseigne sur une des périodes les plus dépressives de l’histoire dans une région du monde peu explorée par les manuels académiques, ce beau roman nous fascine par son éclairage à la fois sévère et empathique sur la nature humaine.
Des chapitres courts et équilibrés ainsi qu’une écriture subtile, fluide et sans anfractuosités brillamment retranscrite par Eric Boury, participent pleinement de l’efficacité du roman. Bien sûr, l’auteur Islandais Arnaldur Indridason n’en est pas à son premier coup de maître, mais ce deuxième tome de la Trilogie des Ombres ne déçoit pas ses fidèles, séduit de nouveaux adeptes et annonce un troisième et dernier volet de grande envergure.
Christelle d’Herart-Brocard
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