La Chasseuse d’astres, Zoé Valdès
La Chasseuse d’astres, traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan, février 2014, 342 pages, 22 €
Ecrivain(s): Zoé Valdès Edition: Jean-Claude Lattès
Le roman de Zoé Valdès commence comme il finit : par l’évocation de ses intentions, lors d’une visite en bord de mer. Zamia, femme de lettres cubaine en mal d’inspiration, vient contempler la mer ; elle est la proie, croit-elle, de la vision d’une femme qui s’approche d’elle et lui déclare : « Tu es une charmeuse d’océans. Et moi, une chasseuse d’astres ».
Tout, dès lors, est articulé autour de ce qui déclenche cette vision. Zamia est passablement désabusée par les hommes qu’elle côtoie : Pablo, son époux légitime, Alvaro, son amant, au concours affectif incertain et aléatoire. Pablo est diplomate, salarié du régime castriste, et doit rendre des comptes, y compris sous la forme de transmission de renseignements sur l’activité contre-révolutionnaire des citoyens cubains à Paris. Zamia cherche pourtant à écrire, sur Cuba, sur Batista, et bientôt sur Remedios Varo, peintre surréaliste des années vingt d’origine catalane. Elle découvre sa vie, ses orientations artistiques, l’ambiance de l’époque et y voit, pour elle-même, auteure potentielle d’un roman, un modèle, une référence, une aide précieuse.
Pourtant, elle découvre par exemple que la conception de la liberté sexuelle prônée par Remedios Varo n’équivaut pas à la représentation qu’elle s’en fait elle-même :
« Quant à la libération sexuelle réclamée à cor et à cri par les surréalistes sous prétexte de modifier la société, elle ne put jamais s’y résoudre (…) L’amour était la matière première qui nourrissait le désir. Le sexe était pour elle la liberté propre et transparente ».
Zamia découvre également, à travers les tableaux et éléments de la biographie de cette artiste, sa conception de l’art, de la liberté :
« Ecrire, c’est comme monter dans un train et tenter d’attraper les paysages, de les nommer d’un trait. Peindre, c’est comme un voyage en bateau, fermer les yeux et laisser le sel et le vent éclabousser d’embruns son paysage ; ces gouttes amères feront lever des milliers de sollicitations visuelles, de même que les nuages percés par la splendeur des rayons solaires qui jouent dans le bouillonnement de l’océan, juste à l’intérieur de l’iris ».
Tous ces constats vont conduire Zamia à se considérer comme le double de Remedios Varo. Elle va faire équivaloir sa propre quête de liberté et de reconnaissance au parcours de Remedios : « Je crois que Paris est pour moi ce que Mexico fut pour elle. Il faut faire de notre vie un art, c’est la clé de tout, c’est ce que Remedios Varo a fait ».
Plaisant récit, écrit avec des allers-retours entre les vies de Zamia et de Remedios, comme pour illustrer le parallélisme de leurs aspirations et leur caractère intemporel, avec en prime d’éclairantes réflexions sur l’art et la possibilité de sa vérité.
Stéphane Bret
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