L'Or, l’Empire et le Sang, Martin Bossenbroek (par Stéphane Bret)
L'Or, l’Empire et le Sang, mai 2018, trad. du néerlandais Bertrand Abraham, 558 pages, 25 €
Ecrivain(s): Martin Bossenbroek Edition: Seuil
Quelles furent les origines et les causes profondes de la guerre anglo-boer ? Ses fondements idéologiques ? Martin Bossenbroek, historien néerlandais, tente de répondre à ces questions dans son ouvrage L’or, l’Empire et le sang.
Dans son introduction, il situe d’emblée ce conflit : c’est tout d’abord une « expression paroxystique atypique de l’impérialisme britannique ». C’est la seule épreuve de force de grande envergure entre blancs. Ce conflit a conduit l’Empire britannique à la recherche d’alliances et à sortir du « splendide isolement ». Autre caractéristique, qui prend un relief tout particulier pour des lecteurs contemporains, la place donnée aux médias : 200 correspondants de guerre furent mobilisés, un réseau étendu de communications télégraphiques, des transports intensifiés vers cette partie du continent africain, donnèrent un grand écho à ce conflit. Enfin, et c’est le sujet le plus attendu, les conséquences de cette guerre sur les populations civiles : 230.000 blancs et non-blancs furent internés, 46.000 d’entre eux périrent par suite de malnutrition et de leurs conditions de détention.
Pour illustrer au mieux les différents points de vue, Martin Bossenbroek décrit le rôle de trois acteurs dans ce conflit : Willem Leyds, diplomate hollandais qui se mettra au service de la cause Boer, Winston Churchill, correspondant de guerre, et Deneys Reitz, jeune soldat Boer.
Martin Bossenbroek, dans les différentes parties de son ouvrage, a un mérite immense : celui de nous rappeler les idées et options, les visions du monde des classes dirigeantes de l’époque, celles de l’Empire britannique, celles des leaders Boer. Pour les premiers c’est par une haute idée des bienfaits de la civilisation britannique, de l’expansion souhaitable de sa zone d’influence, qu’ils sont habités : ainsi, Joseph Chamberlain, ministre des colonies britanniques, déclare-t-il : « La race britannique est la plus grande des races impériales que le monde ait connues ». Winston Churchill, dont l’auteur décrit les activités de correspondant de presse durant le conflit, s’inscrit dans le droit fil de l’impérialisme britannique : « Pour le salut de notre Empire, pour le salut de notre honneur, pour le salut de la race, combattre les Boers est un devoir », affirme-t-il dans un ouvrage rédigé en 1896. Pourtant, une question semble escamotée par Martin Bossenbroek, ou à tout le moins minorée : la guerre des Boers, par ses atrocités, ses modes de répression, a-t-elle été le prélude aux camps de concentration nazis ? A-t-elle constitué une répétition générale aux actes des régimes totalitaires du XXème siècle ? Kitchener, haut dirigeant de l’Empire, n’a-t-il pas envisagé de déporter tous les Boers après la fin du conflit ?
La question n’est pas tranchée à la lecture de cet ouvrage par ailleurs fourmillant de détails révélateurs d’une époque, restituant fidèlement l’arrière-fond intellectuel, celui de l’impérialisme colonial, de la suprématie de la race blanche, de la conquête du continent africain, alors en plein déroulement.
Stéphane Bret
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